Je viens de lire ce matin une brève dans le Figaro qui m’a franchement énervé : l’OCDE va publier à l’occasion du G20 une mise à jour de leur liste des paradis fiscaux dans le monde. Et la Suisse devrait de nouveau se retrouver dans la liste grise. Pour ceux qui ne sont pas au courant, la liste grise des paradis fiscaux de l’OCDE, c’est l’antichambre de la liste noire qui promet, pour chaque pays qui s’y trouve, des sanctions économiques et autres gentillesses.
Etre sur la liste grise, c’est donc recevoir un avertissement qui signifie : « si vous ne faites pas le nécessaire pour arrêter de favoriser l’évasion fiscale, vous serez sanctionné« . C’est ce même type d’avertissement en octobre 2008, donné par la France et l’Allemagne en 2008, qui avait mis fin au secret bancaire suisse, le pays s’étant conformé à la réglementation de l’OCDE pour l’échange d’informations fiscales.
La France : paradis fiscal des dictateurs africains ?
Ce qui est très étonnant, c’est qu’à chaque fois qu’une grande crise économique ou financière se profile à l’horizon, l’OCDE ressort sa liste et y remet notamment la Suisse. Car ne nous y trompons pas, il faut bien trouver des coupables à livrer à l’opinion publique.
Il est en effet beaucoup plus simple de montrer du doigt la Suisse ou le Liechtenstein que de faire le ménage à la maison : la France aurait-elle oublié qu’elle a abrité (et abrite), avec la complicité des banques françaises et des promoteurs immobiliers, des fonds et des biens en provenance des dictateurs africains des anciennes colonies françaises, pour des montants de plusieurs centaines de millions d’euros ?
Les accords fiscaux de l’Allemagne et de l’Angleterre qui officialisent (et rentabilisent) l’évasion fiscale
L’Allemagne (tout comme l’Angleterre d’ailleurs) aurait-elle aussi oublié qu’elle vient tout juste de passer des accords avec la Suisse (en pleine période estivale, histoire de ne pas faire trop de bruit dans l’opinion publique), permettant, grosso modo à celle-ci, de continuer ses activités financières offshore en contrepartie du versement d’une somme forfaitaire de 2 milliards de francs suisses au fisc allemand, et du prélèvement d’un impôt libératoire annuel de plus de 26% sur les comptes des résidents allemands en Suisse ?
Pour faire simple, cet accord légalise les fraudeurs allemands et anglais, et permet que ce qui s’est passé pendant des années continue, tout en rémunérant les pays lésés. J’appelle cela de la complicité, et de fait je pense que l’Allemagne et l’Angleterre auraient également leur place sur cette liste grise.
Je ne parlerai pas des autres pays de l’Union européenne qui pratiquent une fiscalité plus que limite et avantageuse, situation sont je parlais déjà en 2008, période à laquelle on recherchait également des coupables à la crise de 2008-2009.
La Suisse, nouvelle fois victime de son isolement
A l’époque, la Suisse avait payé très cher son indépendance : difficile de faire jeu égal lorsque vous avez à la table des négociations les Etats-Unis (qui ont, au passage, leur paradis fiscal, le Delaware), et l’Union européenne. La négociation avait tourné au désavantage de la Suisse qui avait alors perdu son secret bancaire.
Selon moi, ce que l’Union européenne et les Etats-Unis visent avant tout, c’est la fiscalité des entreprises suisses (plus basse que dans beaucoup de pays de l’Union européenne). Sur ce sujet, l’hypocrisie est également notoire puisqu’un pays comme la France peut donner jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’euros de subventions à une entreprise étrangère qui vient s’installer sur son sol (ce que ne fait pas la Suisse). Alors certes la fiscalité en France est de 33%, mais lorsque vous recevez des montants aussi importants en subventions, on peut clairement parler de concurrence déloyale par rapport aux autres pays. Isolée, la Suisse qui a certes d’excellents négociateurs parmi ses diplomates, n’a à mon sens pas la puissance diplomatique nécessaire pour renvoyer ses détracteurs à leurs affaires. Et je suis bien curieux de voir les réactions officielles des autorités suisses lors de la sortie de cette liste.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
ouissem says
Bonjour David,
Tout à fait d’accord avec vous. L’OCDE (dans son ensemble) a encore profité de l’occasion pour faire preuve d’hypocrisie…
Par ailleurs, concernant les accords fiscaux de cet été (Suisse et Allemagne-Angleterre), le fait que la France ait refusé la proposition de la Suisse n’aura t-il pas pour conséquence une nouvelle dégradation des relations entre les 2 pays ?
Au plaisir de vous lire.
Cordialement.
Ouissem
David Talerman says
Non je ne crois pas. Par ailleurs, je ne pense pas qu’on puisse dire que les relations entre la Suisse et la France sont dégradées.
Ardisson says
Cher Monsieur,
Au risque de vous contredire, je suis d’avis que les relations franco-suisses se détériorent de jour en jour et ont rarement été aussi exécrables. Cela est en partie dû au fait que bon nombre de vos concitoyens sont convaincus que l’une des causes de la crise économique actuelle, c’est la Suisse, en tant que paradis fiscal. Cette idée est véhiculée par le gouvernement français et par l’ensemble de la presse française.
Bien à vous
A.
David Talerman says
Bonjour,
Plutôt d’accord avec vous sur le fait que la presse française pointe du doigt la Suisse, mais ce n’est pas vraiment nouveau !
Je pense sincèrement que personne n’est dupe, sauf peut-être certains lecteurs…
Jac9 says
La presse française pointe du doigt la suisse ? On vit à la même époque ? Lecteur de bien des journaux français je me permet d’avoir quelques doutes…
CARRE says
Bonjour,
Les accords du RU et l’Allemagne tolèrent de fait l’évasion fiscale, ce qu’a refusé la France, qui préfère s’en tenir à la légalité stricto-sensu. Ceci est dommage pour le fisc français mais grandit le droit international. Je suis plutôt d’accord avec cette position.
N’étant pas un spécialiste de droit bancaire, je ne vois pas bien ce qui reste du secret bancaire suisse vis à vis des autres pays européens, mais visiblement il y a encore beaucoup de fonds en Suisse qui échappent à la fiscalité des pays où ils ont été produits. La Suisse pourrait ainsi faire un pas de plus et dénoncer de fait et de sa propre initiative les fraudeurs, par exemple en demandant l’origine des fonds et en informant le fisc du pays d’origine de l’ouverture d’un compte.
Quand à la politique de la France vis à vis des pays coloniaux, sujet hors propos ici, les récents évenements en Afrique de l’Ouest et du Nord suffisent amplement à montrer l’hypocrisie et la collusion des régimes succesifs français vis à vis des dictatures africaines. Inutile de le commenter plus encore.
labbios says
il suffit juste de regarder au luxembourg qui detient 19% de la fortune mondiale.
et maintenant un nouveau pays de l europe qui fait le secret bancaire c est la letonie.