Loïc Hervé, sénateur français de Haute-Savoie, a récemment soutenu un amendement proposant que l’aide de l’État français sur le prix des carburants soit prise en charge par les entreprises française, de sorte que les Suisses venant faire leur plein en France – l’essence y étant actuellement moins chère qu’en Suisse – n’en bénéficient pas. Polémique.
Des propos populiste d’une autre époque
Quand un sénateur français d’un département frontalier avec la Suisse, en l’occurrence la Haute-Savoie, fait la déclaration suivante :
« Il faut absolument qu’on aide en priorité les Français qui en ont le plus besoin. Il ne faut pas qu’on aide les riches, nos amis suisses, les touristes étrangers, il faut qu’on aide les Français qui bossent. C’est aussi simple que cela, avec une aide ciblée versée par l’employeur avec prise en charge par l’Etat »
on a vraiment l’impression d’être dans une autre époque.
Visiblement le sénateur soigne son aile droite. La France aux Français. On a bien compris. On appréciera également dans cette déclaration l’association « riche » et « amis suisses » (les Suisses sont riches, c’est de notoriété publique).
Un sénateur qui a une dent contre la Suisse ?
Mais comment peut-on expliquer une telle sortie ? Plusieurs explications sont possibles :
Déjà en 2020, en pleine pandémie de Coronavirus, il interpellait le ministre français de l’Intérieur de l’époque pour lui signaler que les mesures suisses en matière de confinement n’étaient pas assez strictes et que la Suisse menaçait de facto la santé des bons Français.
Voici une autre explication : Sénateur, Membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, Membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Président du groupe d’amitié France-Bulgarie et membre de la section française de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie, Membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés… C’est un aperçu des nombreux mandats de ce sénateur qui, comme beaucoup de ses pairs, a probablement perdu le sens de la réalité de la vie de tous jours et de celle de la vie en région transfrontalière.
Le carburant parfois moins cher en Suisse, parfois moins cher en France
Au jeu du petit nationaliste et du partage des ressources, je ne suis pas certain que la France soit gagnante. Si les carburants sont objectivement moins chers en ce moment en France, Loïc Hervé ne se souvient visiblement pas qu’au fil du temps, l’essence était tantôt moins cher d’un côté de la frontière, tantôt de l’autre.
Rien qu’en 2018, on comptait par exemple 10 centimes de moins côté suisse dans certaines stations-service. Et autant vous dire que le défilé des voitures en plaques françaises du côté suisse était monnaie courante.
Mes pistes à ce sénateur pour faire des économies
Loïc Hervé veut faire faire des économies à la France. C’est louable. Mais plutôt que de prendre des mesures hors sol qui de surcroît accroissent les tensions entre la Suisse et la France, je suggère plutôt qu’on agisse là où il y a de la marge :
- qu’on revoit à la baisse l’indemnité parlementaire des sénateurs (7 240 euros bruts par mois)
- qu’on revoit à la baisse les indemnités parlementaires des sénateurs exerçant des fonctions particulières (de 709 à 4213 euros bruts par mois, cumulés avec l’indemnité parlementaire ci-dessus)
- qu’on supprime l’allocation funéraire dont bénéficient les sénateurs (6 mois de rémunération en cas de décès, soit 36 000 euros)
- qu’on réduise la couverture chômage de 3 ans dont ils bénéficient en cas de non-réélection
- qu’on supprime le système de retraite spécifique et privilégié des sénateurs (la pension de retraite moyenne d’un sénateur est de 3 856 euros, cumulables avec les autres pensions)
Et je ne parlerai pas des « petites » primes que les sénateurs se votent occasionnellement et que je mentionnais déjà en 2011 dans ce post.
Loïc Hervé fait partie de cette catégorie de politiciens professionnels français de carrière, qui ont très peu exercé dans le privé (voire pas du tout), qui possèdent une incroyable connaissance théorique de l’Économie, qui ne connaissent parfois pas grande chose de la réalité du terrain et qui ont surtout la volonté de plaire à leurs électeurs.
Ces propos sont infamants et irrespectueux. Ils accroissent les tensions et exacerbent les ressentiments anti-frontaliers et anti-français.
En ce moment, les relations franco-suisses n’ont pas besoin de ces sorties populistes qui donnent à nos voisins une image des Français particulièrement négative.
Monsieur le sénateur, prenez de la hauteur, et envisagez notre région transfrontalière pour ce qu’elle est : un espace où nous devons apprendre à vivre ensemble dans un respect commun.
ghislain says
Monsieur Talerman, merci pour ces précisions sur les « petits » avantages de nos sénateurs, ça donne effectivement le tournis (voire pire), et remet en quelque sorte l’église au milieu du village.
David Talerman says
Merci Ghislain !
C’est probablement une goutte d’eau en termes de budgets par rapport à ce que l’Etat dépense pour les carburants, mais je trouvais intéressant de remettre ce sujet sur la table…
Julien Ch says
La vraie debilite de ce senateur reside dans le raisonnement suivant:
1) L’etat francais recupere toujours bcp de taxes sur chaque litre vendu, meme avec la remise a la pompe.
2) Or, on part du principe que les suisses faisant leur plein en France le font normalement en Suisse. Ce sont donc des volumes supplementaires vendus par la France, qui engrange tjs des recettes fiscales supplementaires.
3) Si qqun est fonde a se plaindre dans cette histoire la, c’est bien la Suisse qui vend du coup moins de carburant et percoit moins de taxes a cause d’un « dumping fiscal » francais.
Le plus flippant la dedans, c’est le niveau 0 du raisonnement et de comprehension d’un senateur francais…
Julien, frontalier 😉
PS: desole pour le clavier qwerty sans accent
Thibault says
Ca n’a surtout aucun sens puisque si les frontaliers viennent payer du carburant en France, cela fait toujours plus de taxes (même réduites) dans les poches de l’Etat. A force de parler d’aide sur le prix du carburant, on n’oublie que l’on parle uniquement de baisse de taxe.