La pratique se répand de plus en plus : certains candidats qui résident hors de Suisse mettent une fausse adresse en Suisse sur leur CV. Pourquoi une telle pratique ? Parce qu’ils ont observé, au gré de leur recherche d’emploi, qu’on leur demandait de plus en plus souvent une adresse en Suisse, faute de quoi leur candidature n’était pas retenue, voire pas du tout prise en considération.
Autant vous le dire tout de suite : c’est une très mauvaise idée, et je vais vous dire pourquoi.
Pourquoi une entreprise suisse préfère recruter localement
Mais pourquoi diable une entreprise voudrait-elle recruter localement uniquement ? C’est bizarre non ? Pas tant que ça. Une entreprise suisse peut vouloir recruter localement…
- pour des raisons liées à un risque opérationnel pour l’entreprise : le recrutement de candidats coûte cher et l’entreprise ne veut en effet pas prendre le risque de recruter une personne qui pourrait ne pas s’intégrer au pays pour des raisons culturelles et ainsi partir prématurément.
- pour des raisons d’équilibre interne : si une entreprise possède dans ses effectifs un nombre important d’étrangers, elles cherchera en général à équilibrer les choses en recrutant localement, ce qui peut donc l’amener à refuser de recruter des étrangers.
- pour des raisons liées aux contraintes du poste : cela fait déjà des dizaines d’années que les banques privées demandent à leurs collaborateurs de résider en Suisse, notamment pour des raisons liées à d’éventuelles poursuites ou à un ancrage local que nécessite la fonction.
- pour des raisons liées à l’expérience : l’entreprise recherche une personne qui est implantée localement, ce qui signifie qu’elle possède un réseau local, une compréhension et des connexions que n’ont en général pas les personnes qui ne résident pas dans le pays.
- pour des raisons sociales et citoyennes : l’entreprise, en recrutant des locaux, réduit le coût de l’assurance chômage suisse et contribue à la croissance de l’économie par le biais du salaire versé au collaborateur, qui va consommer localement.
- pour des raisons idéologiques : l’entreprise ne veut pas recruter d’étranger ou de personnes qui sont hors de Suisse parce que cela ne correspond pas à la teinte politique du dirigeant ou des décideurs.
- pour des raisons légales : dans certains cantons, les entreprises ou institutions qui perçoivent des fonds publics ont l’obligation de recruter en priorité des locaux.
Pourquoi une entreprise suisse veut-elle recruter à l’étranger
Et posons nous la question inverse : pourquoi diable une entreprise suisse voudrait-elle recruter des personnes vivant hors de ses frontières ?
- pour des questions de pénurie de main d’oeuvre : l’entreprise ne trouve pas de candidats sur le marché local et se tourne naturellement vers l’étranger.
- pour des questions financières : l’entreprise n’a pas le budget pour un recrutement local et espère payer moins cher un étranger. Fort heureusement, cela concerne certains métiers : plus le métier est à faible ajoutée et précaire, plus le risque de dumping salarial augmente.
- pour des raisons de politique interne : le ou les dirigeants ou chef(fe) de service sont étrangers, et ils souhaitent recruter un étranger, pensant qu’il s’entendra mieux avec elle ou lui.
Comme vous pouvez le constater, les raisons qui poussent une entreprise suisse à vouloir recruter ou pas un étranger sont nombreuses. C’est d’ailleurs le plus souvent une combinaison de différents facteurs qui expliquent la décision finale.
L’illusion d’une volonté nationale de recruter localement
Beaucoup de candidats étrangers qui postulent sans connaître le marché suisse pensent que les entreprises suisses ne veulent pas recruter d’étrangers. Cette erreur d’interprétation est en général due à la manière dont ces personnes recherchent un emploi : principalement en regardant les offres d’emploi, en consultant les job boards.
Or, à travers ce canal, le recruteur va récupérer un nombre important de candidatures. Il aura donc le choix, il le sait, et en conséquence, il va rajouter de nombreux critères : résidence en Suisse mais également exigence d’un permis de travail, maîtrise de l’allemand, diplôme suisso-suisse etc. pour simplement filtrer.
La réalité du marché de l’emploi suisse est tout autre. Ce que les candidats voient à travers le prisme compétitif et déformant des offres d’emploi n’est pas fidèle à ce qui se passe réellement sur le marché.
Les conséquences de la fausse adresse dans le CV
Certains candidats vivant à l’étranger, ne voulant pas que leur candidature soit filtrée à cause de leur adresse qui n’est pas en Suisse, indiquent donc dans leur CV une adresse en Suisse qui est celle d’un ami, d’une connaissance ou pire, une adresse suisse qu’ils ont acheté dans le cadre de services de boîte aux lettres.
En procédant ainsi, ils passent potentiellement le barrage filtrant de l’adresse imposée par les recruteurs. Ou pas. Car que dire d’un candidat qui a une expérience uniquement à l’étranger ? Le recruteur verra en moins de 10 secondes qu’il n’est pas possible qu’il réside en Suisse alors que toute son expérience est à Lyon ou Paris.
Alors certes, depuis l’assouplissement du télétravail, cette situation est potentiellement possible… Mais en dehors de ce cas, procéder ainsi revient à se moquer du recruteur.
Dans le cas d’un frontalier qui travaille déjà en Suisse, le recruteur pourrait là aussi se faire avoir car a priori il n’a pas de moyen de savoir s’il réside en Suisse ou pas étant donné qu’il a une expérience sur place.
Mais quelle que soit sa situation (encore en poste ou pas), les moyens de découvrir la vérité pour un employeur sont très simples, principalement administratives, et il découvrira vite la réalité de la situation. Qu’en clair, vous avez menti dans votre CV.
Une relation de travail qui débute sur un mensonge ne mènera pas loin
Alors que dire d’une relation de travail qui débute sur un mensonge ? Rien d’autre que la confiance est rompue, ce qui est suffisant pour vous licencier. Et comme le marché de l’emploi en Suisse est tout petit, cela pourrait en plus se savoir.
En clair et en résumé, ceux d’entre-vous qui mettent une fausse adresse en Suisse sont bien mal inspirés et c’est une pratique à bannir absolument.
Votre travail, c’est de trouver l’entreprise qui vous recrutera tel(le) que vous êtes, et non mentir à une entreprise qui a priori ne veut pas de vous.
Mn says
Bonjour,
Après moultes entretiens je dois normalement conclure d’ici peu pour un contrat de travail à Genève. Le soucis c’est que je n’ai toujours pas trouvé de logement et donc d’adresse pour entrer dans le cadre de frontalière. Les agences immobilières me réclament un contrat de travail d’abord et les Employeurs une adresse d’abord ! c’est Kafkaïen 😉 je ne sais quoi faire car je ne veux pas enfreindre les règles, auriez vous un conseil ? un grand merci !
Rielevuc says
Votre commentaire est très intéressant, je connais une personne qui depuis deux ans s inventé une adresse en suisse afin d obtenir des emplois et utilise d’anciennes cartes de visite, je ne comprends pas comment personne ne s aperçoit de cette supercherie et comment il réussit à duper tout le monde à la fois il se fait passer pour un médecin ce qu il n est pas non plus, avec de faux diplômes…
Je pensais que la Suisse était regardante là dessus….
David Talerman says
C’est une situation très grave ! S’il se fait passer pour un médecin, il faut réellement le dénoncer immédiatement.