Après avoir passé 10 entretiens pour un poste en Suisse, vous voilà l’heureux signataire d’un joli contrat de travail dans une entreprise qui vous plait.
Peut-être avez suivi quelques-uns de nos précédents conseils, peut-être pas, mais quoi qu’il en soit, l’histoire ne fait que commencer pour vous, car il va falloir faire vos preuves en entreprise, vous intégrer et vous faire accepter de vos équipes.
Bref, il faudra apprendre à avoir la « suisse attitude ».
Conseil n°1 – Ne mettez pas en avant vos diplômes
Il est fort probable qu’à votre arrivée votre chef vous présente à vos futurs collègues. Si pour vous présenter vous commencez par la phrase : « Je suis diplômé de… » alors l’histoire commencera fort mal.
Nous autres Français avons été programmés ainsi depuis notre enfance, le diplôme est (et rend) socialement important. Mais en Suisse, avec une telle présentation, vous serez en décalage total avec la culture locale, et notamment dans les cantons de Suisse romande où on reste en général assez discret sur ses diplômes (en Suisse alémanique, on met par exemple plus volontiers son titre de Docteur sur sa carte de visite).
Parlez plutôt de vos expériences, car au fond, ce qui intéresse les professionnels en Suisse, ce n’est pas tant les diplômes que vous avez, mais plutôt ce que vous avez réalisé, de manière concrète.
Conseil n°2 – Écoutez
L’adage populaire dit que si vous avez 2 oreilles et une bouche, c’est parce qu’il faut écouter 2 fois plus que parler. Vous arrivez dans une entreprise que vous ne connaissez pas, dans un pays que vous ne connaissez pas : il m’apparaît très clairement que de fait, tout travailleur étranger a beaucoup à apprendre. Ecoutez donc ce que vos collègues ont à vous dire, tant sur le plan professionnel que sur celui de la culture suisse (ou cantonale), et ne donnez pas votre avis sur tout (et n’importe quoi).
Conseil n°3 – Ne jugez pas vos collègues
Un des grands classiques de la « non intégration », c’est l’étranger qui débarque dans un pays et qui dit : « Mais c’est nul de faire ainsi, chez nous, c’est différent » ou encore « En France, dans mon ancienne boîte, on faisait comme cela, c’était quand même mieux« . Ces petites phrase anodines qu’on a parfois pensé à notre arrivée et probablement aussi parfois dites sont probablement une des plus grandes insultes que vous pouvez faire à un habitant local : en gros, cela revient à lui dire que les gens ici sont un peu demeurés et qu’ils auraient mieux fait de prendre exemple sur votre illustre nation. Soyez assuré que si les choses sont ainsi faites, c’est qu’il y a une très bonne raison, et en général une véritable logique.
Conseil n°4 – Faites confiance
Le maître mot en Suisse dans les relations de travail, c’est la confiance. Précisément l’inverse de ce qu’on peut trouver dans d’autres pays, et notamment la France : alors qu’employés et employeurs se toisent et se défient dans l’hexagone, en Suisse on aime bien faire confiance. Il convient notamment, au début, d’éviter d’être trop formaliste. Si on vous promet quelque chose, il faudra de bonnes raisons pour que cette promesse ne soit pas tenue, même si elle n’a pas été écrite.
Conseil n°5 – Impliquez vos équipes
Si vous dirigez une équipe, gardez bien à l’esprit qu’en Suisse, on a l’habitude de voter et donc d’être consulté.
Les méthodes de management qui consistent à imposer sans parler avec sa base sont particulièrement mal vues. Et en tant qu’étranger nouvellement arrivé en Suisse et dans l’entreprise, cela me paraît être encore plus évident – et nécessaire – de consulter ses équipes.
Je ne vous cache pas que je pourrai en écrire bien plus. Mais je vous laisse déjà digérer ces quelques conseils qui me paraissent primordiaux. Et vous pourrez en retrouver quelques autres dans la dernière édition de mon livre « Travailler et vivre en Suisse : guide pratique pour les résidents et frontaliers« .
Et vous, avez-vous des conseils (anecdotes) à nous délivrer ?
Ite says
La liste est un peu courte, je la complète :
N’oubliez pas que les Suisses de régions frontalières (j’en suis un et j’en connais beaucoup) ne peuvent dans leur immense majorité pas vous supporter. Aussi, évitez le copinage car ça donne des envies de révolte à bon nombre de Suisses. Evitez de parler de pouvoir d’achat, du prix des choses, ou du taux de change en permanence parce que ça aussi, ça gonfle les Suisses. Evitez de rouler comme des sauvages. Ne prenez pas les bords de route pour des poubelles (ce qui a l’air d’être le cas en France vu le comportement de certains). Faites du covoiturage. Pensez à repartir travailler en France le plus vite possible et si possible, ne revenez sous aucun pretexte. Et dans le fond, votre pays au glorieux passé/présent militaire, faisant partie du G8, puissance nucléaire, membre permanent du conseil de sécurité de l’onu, mais en train d’être envahi quand même. Pays des droits de l’homme, des 35 heures, des 10% de chomage et de la dette de 80% du PIB n’a rien a envier à cette petite Suisse.
Je pense que si vous suivez ces conseils, vous éviterez l’apparition de mouvements comme le MCG, qui ne pense qu’à vous mettre dehors à coups de pied au cul.
David Talerman says
@Ite : je publie pour la liberté de ton, mais désapprouve bien sûr. Quelques remarques :
1 / c’est étrange, les seuls fois où des insultes ont fusé en commentaires sur ce blog, c’était la plupart du temps par des sympathisants MCG ou apparentés…
2 / épargnez-nous ces malheureux clichés que vous êtes bien seuls à croire. Cela prouve au moins une chose, c’est que vous ne connaissez pas très bien vos voisins (même si j’admets bien volontiers que beaucoup de Français ne connaissent pas très bien non plus les Suisses !).
3/ pensez-vous que le fait de tenir des propos aussi durs, et très stéréotypés va améliorer vos relations avec les travailleurs frontaliers ?
4/ ne rêvez pas : sans l’immigration et le travail des frontaliers, la Suisse ne peut pas se développer économiquement. Toutes les instances le reconnaissent.
Quelques informations : voir page 12 de ce rapport (note du12/11/10 : plus disponible sur le site), ou cet article sur Travailler-en-Suisse.ch.
5/ Malgré tout, j’admets que dans un canton comme Genève, où on trouve plus de 60 000 travailleurs frontaliers, on est proche du déséquilibre, et un certain nombre de problèmes doivent être adressés et réglés. Mais certainement pas dans la violence, qu’elle soit verbale ou physique.
Allez, je suis certain que vous valez bien mieux que cela !
P says
Je me permets de réagir par rapport à votre billet. Si je suis tout à fait d’accord avec les premiers points de votre argumentation, ce n’est pas le cas avec les deux derniers!
Je connaîs notamment une entreprise pour laquelle j’ai travaillé qui ne respecte pas du tout la relation de confiance et de transparence que vous évoquez, ni le travail en équipe et de consultation. Pour exemple, cette entreprise a argumenté sur le contexte de crise pour grêver l’augmentation de nos salaires. Soit, mais lorsque vous apprenez que certains de vos collègues ont été augmenté avec pour instruction de « ne surtout pas le dire aux autres », je trouve cela extrêment grave et blessant.
Aussi, maîtrisant l’allemand et recruté par rapport à ce critère en complément de l’anglais, j’ai réalisé être moins bien rémunéré que la plupart de mes collègues, ne maîtrisant pour leur part que l’anglais (plusieurs de ces collègues sont également français, et sont arrivés comme moi « fraichement » de l’étranger). Je n’ai jamais connu une telle chose parmi mes expériences précédentes.
Je précise également avoir fait état de ces irrégularités et manque de transparence, de dialogues, à mon employeur (je n’ai pas énuméré ici tous les problèmes de communication!). Je l’ai fait calmement, de manière constructive et en toute franchise, mais il n’en a rien changé.
En somme, bâtir une relation de confiance est essentiel, certes, mais celle-ci doit être réciproque. Je pense aussi qu’il est dangereux de généraliser, et je préconise plutôt de privilégier le cas par cas, même pour la Suisse!
David Talerman says
@P : Merci pour ce commentaire très intéressant. Vous avez raison, j’aurai effectivement dû édulcorer un peu le message. Je rectifie. Avoir une attitude tournée vers la confiance ne signifie pas qu’il ne faut pas être vigilant. En fait, dans toute population, on trouve des personnes qui transgressent les règles. Le message que je souhaite faire passer est plutôt une indication de la culture suisse en général. Dans certains cantons, et notamment sur Genève (qui pour moi, n’est pas franchement représentatif de la Suisse), les relations et le comportement sont parfois différents.
Ite says
Je ne m’attendais pas à ne pas être censuré. merci.
Comprenez tout de même que, aussi étrange que cela puisse paraître, je suis franco-suisse (de sang) avec la moitié de ma famille en France (donc je connais quand même un peu mes voisins) et il ne s’agit donc ni de racisme primaire, ni d’une aversion gratuite de ma part, ne vous meprenez pas. La seule chose que je méprise, c’est le comportement de misérables et de vautours de certains.
Clichés que je suis seul à croire ? S’il vous plaît, m’étant fait shooter en vélo par un frontalier pressé dans mon enfance, j’ai encore failli faire un frontal avec un autre pressé au point de dépasser dans un virage il y a 3 jours. A tel point que quand j’en vois un sur le toit dans le champ en face de chez moi, je suis heureux. Je suis d’accord avec vous, c’est triste, mais c’est comme ça.
En terme de respect de l’environnement, le cliché des 2’000 voitures francaises qui passent devant chez moi que je vois depuis 15 ans remplies à 75% d’une seule personne sont également une bonne invention de ma part. Notez du reste que le frontalier moyen est très sensible au cours du brut. Ainsi, une annonce un peu plus haute que prévue sur les stocks d’essence aux USA, et vlam, le brut baisse et le nombre de voitures augmente, véridique ! Ah comme indacateur boursier, c’est pas mal mais ça a une grande inertie…
Plus sérieusement, si je puis prodiguer un conseil qui sera utile à tous les frontaliers, Non vous n’êtes pas indispensables ! La suisse s’en sortait déjà avant. Typiquement, dans ma région (horlogerie), le nombre de frontaliers a doublé en 10 ans (ce se voit principalement aux extensions des usines, qui se sont agrandies en moyenne 2 à 3 fois depuis 10 ans), et pourtant, il y a 10 ans, la suisse s’en sortait déjà, ce n’était pas le tiers monde comme le grand pays voisin et on ne mourrait pas de faim.
Les sociétés publiques ou privées qui vous disent que les frontaliers sont indispensables au développement économique sont dirigées par qui d’après vous ? Sur la base de quoi ? Et elles regardent quoi pour dire ça ? Laissez moi rire : l’union patronale suisse, c’est un gag ? Pensez-vous sérieusement que les gens d’une telle association, même une bombe atomique sur la tempe, diraient que les frontaliers ne sont pas les bienvenus ?
Si vous êtes suisse et que vous arrivez à vous fondre dans la population sans vous faire repérer comme frontalier (c’est principalement l’accent), alors allez dans une région frontalière, dans un bar un soir et engagez une discussion avec un type sur le sujet. Vous risquez d’entendre une vision bien différente de celle de l’union patronale suisse…
Salutations
David Talerman says
@Ite : concernant les sources d’informations, il y a l’Union patronale, certes peut-être pas complètement objective, mais également plus « simplement » la Confédération qui a publié 3 ou 4 études de fond sur le sujet (http://www.news-service.admin.ch/NSBSubscriber/message/attachments/19227.pdf) ou encore l’étude d’Avenir Suisse… Je continue ?
Ceci dit, personne n’est indispensable, c’est vrai. Mais il faut bien de la main d’œuvre pour faire le travail. Donc Français, Portugais, Italiens ou Américains, il vous faut des étrangers.
Enfin, je comprends que le fait de voir passer un nombre important de véhicules devant son domicile, ça doit finir par taper sur le système. Même s’il existe des alternatives, dans beaucoup de régions, les moyens d’accès restent plutôt limités. Vivement le CEVA !
A bientôt
Demido says
Merci David d’essayer « d’éduquer » vos compatriotes car il y a du boulot! J’ai quelques collègues Français, ceux qui sont là depuis longtemps sont bien intégrés et s’intéressent à ce qui se passe en Suisse et ce qu’est la Suisse. Mais depuis 2-3 ans on voit arriver des Français qui viennent de loin Bretagne, Paris, Poitoux, etc. qui ne connaissent rien à la Suisse et qui n’en ont à vrai dire rien à faire, ils ne sont là rien que pour le fric (ce qui est compréhensible vu les différences de salaires entre les deux pays) mais le plus dérangeant c’est qu’ils critiquent la Suisse avec de gros clichés comme : « La neutralité c’est pour les lâches », « le secret bancaire c’est pour blanchir l’argent », « le fédéralisme c’est trop compliqué » etc… C’est vraiment fatiguant de se justifier dans son propre pays!
David Talerman says
@Demido : au fond, tout le monde vivrait bien mieux (y compris les étrangers) s’il y avait un vrai désir d’ouverture et de compréhension. Mais comme dans toute population (au sens statistique), les comportements sont différents. J’espère ouvrir quelques « pistes » avec mes commentaires pour les plus récalcitrants. Merci pour ce retour d’expérience très intéressant.
Lelia says
Merci de votre intéressant article. Nous sommes installés en Suisse alémanique depuis 1 an maintenant, venant de France. Notre intégration s’est parfaitement déroulée, probablement en appliquant la plupart des conseils ci-dessus…en un mot, le secret de l’intégration réussie, que ce soit en ville ou au travail est RESPECT…Respect des règles et de la mentalité locale, nous acceptons et appliquons toutes les règles car nous considérons que nous n’avons pas à juger un pays qui nous accueille et qui vivaient très bien sans nous avant ! Hélas, même en aimant infiniment notre pays France, nous ne pouvons qu’avoir honte parfois du comportement de nos compatriotes français en Suisse…irrespect total des règles, entre autres de circulation (eh oui, moi aussi j’ai failli être renversée 2 fois sur un passage protégé…2 fois par une voiture française…), critique du mode de vie et de gestion suisse (même sans être Suisse, c’est insupportable au bout d’un moment ! ), imperméabilité totale à l’apprentissage de l’allemand (« ils apprennent bien le français à l’école…pourquoi faire un effort ? ») – pour info nous mettons un point d’honneur à parler allemand ici, et nous découvrons la plupart du temps avec délice des gens suisses adorables qui, après avoir apprécié nos efforts (et notre accent !), continuent la conversation en français pour nous être agréables…eh oui, la conclusion de ces petites histoires est que l’humilité et l’ouverture d’esprit sont les meilleures clés pour découvrir ce beau pays qu’est la Suisse, et pour faire partager aux Suisses un peu de notre beau pays qu’est la France…
David Talerman says
@Lelia : merci pour ce témoignage. Effectivement, l’aspect culturel est souvent ce qui nous manque le plus. Je l’avoue pour ma part : lorsque je suis arrivé en Suisse en 2001, je suis loin d’avoir fait les choses correctement sur ce plan. En revanche, j’ai décidé de ne jamais juger et d’écouter ce qu’on avait à me dire… 2 attitudes qui peuvent faire la différence et que vous décrivez fort bien, d’autant que pour vous, la marche était plus haute (en Suisse alémanique, il y a en plus la barrière de la langue).
A bientôt sur le blog.
valérie says
Bonjour,
Je vis en France (Bretagne) et vais bientôt travailler pour une société Suisse (Valais).
De chez moi !! Je n’arrive pas à trouver d’informations car tout ce que je trouve concerne les frontaliers.
Pouvez vous m’en dire un peu plus ? (impôts, sécurité sociale, charges sur salaire…..)
Merci beaucoup de vos infos.
ps : je viens de passer une semaine à Saxon et en aucun cas je n’ai senti de rejet par rapport à ma nationalité.
David Talerman says
@valérie : dans votre situation, même si vous avez signé un contrat de travail de droit suisse, si vous travaillez en France, alors vous êtes soumis obligatoirement au droit du travail français (c’est le droit communautaire qui s’applique dans ce cas). Ce qui signifie que votre employeur suisse devra payer des cotisations salariales françaises… Ce qu’elles savent rarement.
Dans votre cas, il n’y a pas besoin de faire de demande de permis de travail en Suisse, étant donné que vous serez résidente en France.
Vous trouverez plus de détails sur cette situation particulière dans mon livre « Travailler et vivre en Suisse« .
omapsoi says
Bonjour, je reviens sur ce sujet très interessant
Je suis frontalier depuis 1 an, avec la majorité de mes collègues tout se passe bien, je m’intègre à bons nombres d’evènements en Suisse (schubertiade, Label suisse, divers festivals ect). je n’ai jamais parlé de mes diplomes, sauf quand on me le demande, je respect les gens ici comme si ils étaient français ou autre car on est tous humain…et vous savez qui en prend le pus dans la figure? moi.
A chaque réunion, certaines personnes ne savent pas que je suis français, et j’entends des « ah mes ces gens sont bizarres, ils sont français de toute façon », ou encore ceux qui savent que je suis français : » ça va aller la avec le taux? la piscine est bientot terminée? »…et j’en passe..vous voulez que je pense quoi de la culture, du respect de la suisse et de ses habitants?… je suis à l’ecoute. Et je sais que c’est comme cela pour beaucoup de mes amis frontaliers. Du coup j’ai demandé à la dernière réunion lorsque l’on ma encore « emmerdé » avec le taux et donc l’argent (car vous dites que les frontaliers viennent que pour ça…Faux: il viennent parce qu’il y a plus de travail sur geneve que Annecy ou Chambéry par exemple en premier!! et que finalement ce sont les suisses qu ont que l’argent comme mot à la bouche!) je leur ai demandé si les courses à Leclerc Annemasse était bonne? et par miracle depuis on me laisse tranquille…pour le moment…De plus, le taux etant remonté légèrement, ceux qui avaient demandé à etre augmenté car les frontaliers étaient augmenté grace au taux, j’espère qu’ils auront la décence de demander une baisse de salaire puisque le taux a de nouveau rebaissé..J’attends de voir ça avec impatience.
David Talerman says
Bonjour,
Votre histoire est très intéressante. J’ai vécu quelque chose de similaire à mon arrivée en Suisse. Ce n’était pas centré sur le fait que j’étais frontalier (je résidais en Suisse), mais sur ma nationalité.
Je relate en partie cette histoire ici.
Quoi qu’il en soit, la bêtise n’a pas de nationalité, et lorsqu’ils disent qu’ils trouvent les Français « bizarres », ce n’est pas anormal, c’est l’expression d’une incompréhension.