J’aime bien dire que la Suisse est une usine à fantasmes. Pourquoi ? Parce que la plupart des étrangers qui n’y vivent pas connaissent très mal la Suisse et s’accrochent à des « oui dires » parfois vieux de plusieurs dizaines d’années. Et on le sait bien : c’est précisément ceux qui connaissent le moins bien le pays qui colportent le plus d’idées reçues.
Alors si vous envisagez de travailler en Suisse ou d’y vivre, autant éviter ces clichés, vous gagnerez du temps… et de la considération de la part des gens qui vous entourent. Voici donc le palmarès des idées reçues sur la Suisse (il n’y a pas d’ordre d’importance). Cet article a été originellement rédigé fin 2009 et a été mis à jour pour tenir compte de… tout ce qu’il s’est passé depuis !
1 – En Suisse, on ne paie pas d’impôts
Contrairement à une croyance populaire très largement répandue, on paie des impôts en Suisse, et le taux d’imposition sur le revenu est en moyenne le même qu’en France (environ 40%, avec des nuances parfois importantes selon les cantons). Vous trouverez plus d’informations sur ce sujet sur la page « Comparaison internationale de la fiscalité en Suisse » du site Travailler-en-Suisse.ch.
2 – En Suisse, mon employeur peut me licencier sans me donner de motif
Effectivement, le droit du travail suisse (le code des obligations et la loi sur le travail) permet aux employeurs de licencier un employé sans qu’il soit obligé d’en donner la raison, sauf dans le cas où il s’agit d’un licenciement avec effet immédiat (et dans ce cas, la personne doit partir sur le champ de son lieu de travail, elle est d’ailleurs en général « accompagnée » par des personnes de la sécurité qui l’aident à mettre ses affaires personnelles dans son petit carton – je caricature à peine). Ce n’est pas très « classe » de la part de l’employeur de licencier sans motif mais il peut le faire.
3 – En Suisse, on n’embauche que des spécialistes
Il est probablement plus facile de trouver du travail en Suisse lorsqu’on est un spécialiste, et en particulier on peine à recruter certains profils (personnel de santé, chercheurs…). Mais cette logique répond avant tout à une logique de marché : en temps de crise, moins on spécialisé, plus il est plus difficile de se placer. Et comme vous pourrez le constater, cette logique vaut pour la France comme pour la Suisse et tous les pays. De manière générale, je dirais plutôt que les entreprises suisses recherchent des compétences.
4 – Les étrangers ne sont pas les bienvenus en Suisse
Plus de 20% de la population résidente en Suisse est étrangère, et si vous rajoutez le nombre de travailleurs frontaliers cela fait beaucoup d’étrangers. Il est très clair que la Suisse n’aurait pas pu avoir la croissance économique qu’elle a eu ces dernières années sans le travail des étrangers. Globalement, les travailleurs étrangers sont donc très bien acceptés, à condition qu’ils respectent la culture locale, tant au travail que dans la vie de tous les jours. Ainsi, certains étrangers s’intégreront mieux que les autres, pour des questions de divergence de culture. Pour être concret, et étant moi-même français, j’estime que les cultures suisse et française sont aux antipodes sur de nombreux sujets, et notamment le rôle de l’individu dans la société, le rapport au travail, le rapport entre les employés et l’employeur etc…
5 – En tant que travailleur frontalier habitant en France, je peux conserver mon assurance santé française
C’est faux, et dangereux de le croire. Dès votre premier jour de travail en Suisse, vous n’êtes plus assurés en France au régime général de la Sécurité sociale (la Sécu). Vous avez l’obligation de vous affilier à l’un des 2 régimes possibles pour les frontaliers (CMU frontalier ou LAMal pour frontalier). Sur le plan pratique, il arrive que la Caisse primaire d’assurance maladie ne fasse pas le ménage dans ses bases de données et continue à vous rembourser même si vous travaillez en Suisse : sachez que si vous êtes dans ce cas vous êtes en infraction et que vous risquez gros, les autorités françaises faisant régulièrement des contrôles. Vous pouvez passer par notre service de demande de devis gratuit pour une assurance santé frontalier.
6 – Il n’existe pas de salaire minimum en Suisse
Dans la loi sur le Travail et le code suisse des obligations, il n’existe pas de mention d’un salaire minimum généralisé comme c’est le cas en France avec le SMIC. En revanche, selon les accords de branches et les conventions collectives de travail (CCT), des salaires minima peuvent être fixés. Cela concerne principalement l’industrie. Pour estimer son salaire, trouver des informations, consultez la page « Salaires en Suisse » du site Travailler-en-Suisse.ch.
7 – En Suisse, mon salaire sera multiplié par 2, 3 ou plus par rapport à mon pays d’origine
Ce n’est pas une règle qui peut être généralisée. En fait, cela dépend de votre secteur d’activité, de votre métier, de votre spécialisation, de votre profil etc… Il est vrai que les salaires sont en moyenne pratiquement deux fois plus élevés en Suisse qu’en France, mais il ne faut pas ressortir cette vieille règle de calcul qui ne veut rien dire car elle n’est pas adaptée à toutes les situations. Il est important de bien connaître ce que vous voulez sur le marché suisse, de ne pas accepter n’importe quel poste à n’importe quel tarif, et après c’est la loi de l’offre et de la demande qui fait toute la différence. Retrouver sur ce blog des conseils pour bien négocier son salaire en Suisse lorsqu’on est étranger, et un lien vers un service qui permet de calculer son salaire net et sa future feuille de salaire.
8 – Les entreprises suisses ne recrutent plus d’étrangers ni de frontaliers
Dans les faits et dans les chiffres, c’est faux, le nombre de frontaliers a par exemple augmenté dans le canton de Genève ces dernières années. En revanche, une prise de conscience a été faite suite à la votation sur la limitation de l’immigration en février 2014, et les entreprises suisses, quand elles le peuvent, vont privilégier les locaux (résidents suisses ou étrangers). Toutefois, compte tenu des problèmes chroniques de recrutement des entreprises suisses, il reste pas mal d’opportunités, avec, il est vrai, des barrières plus importantes qu’il y a 3 ou 4 an.
9- Les frontaliers à Genève ne peuvent réduire le montant de leur impôt
Une des caractéristiques de l’imposition des travailleurs frontaliers à Genève est la suivante : ils payent leurs impôts à Genève, sur la base du barème d’impôt à la source, mais ne font pas de déclaration fiscale en Suisse, alors qu’ils en feront une en France ! Sans rentrer dans le détail, sachez que vous pouvez réduire le montant de votre imposition en Suisse en souscrivant un 3ème pilier (jusqu’au 19 avril 2017) ou en rachetant une partie de votre 2ème pilier. Il est également possible de demander une rectification d’impôt qui fera, suivant votre situation, baisser votre fiscalité. Pour cela, il est indispensable de remplir une déclaration (plus simple que la déclaration « ordinaire »). Nos partenaires peuvent vous accompagner pour ces démarches fiscales. Plus d’informations sur le 2ème et le 3ème pilier et sur la fiscalité en Suisse sur ces pages.
10 – En Suisse, tous les travailleurs étrangers sont soumis au même barème d’impôts, le barème d’impôt à la source
Le barème d’impôt à la source ne concerne que certains travailleurs frontaliers (dans les cantons de Genève, Zurich et d’Argovie), et certains travailleurs étrangers qui résident en Suisse (permis L ou B) gagnant moins d’un certain montant. D’autres seront soumis au barème d’impôt ordinaire (comme les Suisses ou les travailleurs étrangers titulaires d’un permis C). Attention de ne pas confondre « barème d’impôt à la source » et « impôt à la source » qui est l’acte de se faire prélever sur son salaire l’impôt. Vous trouverez sur le site Travailler-en-Suisse.ch un tableau récapitulatif des différents cas d’imposition en Suisse.
Si vous en avez d’autres, n’hésitez pas à les indiquer en commentaires. De toute façon, il est certain que je publierai un autre billet sur ce sujet, j’ai encore pas mal de chose à dire sur ce thème.
trallala says
En Suisse, on paye surtout des impots sur l’argent gagne en travaillant.
Par contre, l’argent qui travaille y est peu taxe, d’ou probablement
l’idee recue qu’on y paye peu d’impots.
Et cette imposition varie suivant les Cantons, qui sont ainsi en concurrence fiscale.
trallala says
licencier sans motif.
Pour être complet, il conviendrait d’ajouter que le marche du travail etant ainsi plus flexible qu’en France,
il est aussi plus facile de retrouver un emploi quand on a ete licencié.
Alors que les jeunes râment longtemps en France avant de trouver un CDI.
HM says
Article très intéressant. Je confirme, travaillant en Finance, mon salaire a été multiplié par 4!!! Oui, oui, par 4!
Laurent T. says
Faux pour le licenciement sans motifs.
Les parties ont le droit de demander la raison du licenciement par écrit, l’autre partie devant alors s’exécuter.
En revanche, il n’y a pas besoin d’avoir de justes motifs pour licencier quelqu’un (Attention au licenciement abusif !)
Arnaud says
Bonjour,
Est il vrai que lorsqu’un frontalier est licencié pendant une période d’essai, plus aucun employeur suisse ne voudra de lui ?
David Talerman says
Bonjour,
Cela dépend des conditions dans lesquelles le licenciement a été fait ! Et heureusement, il n’y a pas de systématisation, même si un licenciement pendant une période d’essai n’est effectivement pas très bon signe (quel que soit votre statut d’ailleurs).
Qui vous a dit cela, juste pour voir qui colporte les légendes urbaines ?
Anne-Laure says
Bonjour,
Tout d’abord merci pour ce blog et pour vos commentaires.
Je suis justement en train de gérer les formalités administratives de mon installation en Suisse (canton Appenzell) et votre point sur l’assurance maladie m’intéresse particulièrement. Je reviens d’Australie où j’étais sous le régime de la CFE (Caisse des Français à l’Etrangers) et je comptais « simplement » renouveler un contrat avec ma mutuelle dédiée aux français expatriés, rattachée à la CFE, du moins pour commencer, le temps de stabiliser mon installation ici. Est-il obligatoire d’avoir une assurance maladie suisse?
Sauriez-vous où je pourrais trouver cette info?
Merci d’avance pour votre aide!
David Talerman says
Bonjour Anne-Laure,
La loi permet de s’exempter de l’assurance maladie obligatoire que dans quelques cas seulement, et notamment si vous souffrez d’une maladie grave ou chronique dont le traitement ne pourrait pas être pris en charge par la LAMal.
Je vous propose de prendre contact avec notre partenaire pour plus d’informations. Il pourra aussi vous établir un devis en cas de besoin.
Anne-Laure says
Bonjour David,
Merci pour votre retour rapide & vos conseils.
Entre temps j’ai également découvert les pages Assurance de votre site, je vais effectivement contacter votre partenaire!
Bonne journée,
Anne-Laure
essiomley says
Merci pour vos conseils et un etranger africain mariés avec un suisse ayant le permis b peut t’il trouver du travail vite en suisse? Alors que son niveau d’étude es le DUT (bac +2)
David Talerman says
Bonjour,
Sauf cas très exceptionnel, je pense que vous n’avez aucune chance.
Stéphane says
C est étrange que vous ne parliez jamais du permis de travail en Suisse qui est une véritable barrière pour tout nouveau « futur »expatrié s il réussi à se faire embaucher un jour et à donc obtenir in fine ce permis….