Le syndicalisme français est une plaie pour l’économie
En ce jour de grève générale, je ne peux rester insensible face au syndicalisme français qui est une plaie. Une plaie pour l’économie (699 mouvements de grève en France en 2004, contre 8 en Suisse…), et une plaie pour la démocratie. Jugez plutôt :
Seulement 8% des salariés français sont syndiqués, dont une très grande partie sont employés de la fonction publique. Lorsqu’une minorité d’individus bloque un pays, je me dis qu’on n’est plus tout à fait dans un modèle démocratique.
Une alternative au syndicalisme à la française : le modèle suisse de démocratie semi-directe
Mais le syndicalisme à la française n’est pas une fatalité, et pourrait être anéantis, en lui appliquant certaines recettes du modèle suisse :
– permettre au peuple de demander la mise en place de référendums sur un texte voté par le Parlement (au niveau fédéral, cantonal ou communal), obligeant ainsi les Parlementaires à proposer des lois plus proches des préoccupations citoyennes.
– permettre au peuple de modifier la Constitution (fédérale ou cantonale), en modifiant un article existant ou en en ajoutant un : c’est l’initiative populaire. Si ceux qui sont à l’initiative de ce projet récoltent suffisamment de signatures (des sortes de pétitions) et que le projet est conforme à la Constitution (ce qui évite les lois absurdes), alors ce projet de loi est soumis au vote du peuple.
(note : le texte initial faisait mention plusieurs imprécisions et erreurs, et notamment une confusion sur l’initiative populaire, d’où le commentaire d' »Anonyme » que je remercie) .
De fait, en Suisse, c’est très clairement le peuple qui a le dernier mot, pas les Parlementaires.
Une manière de réintroduire le dialogue social en quelque sorte inexistant en France.
– supprimer les aides de l’État : on oublie trop souvent de le dire, mais si les syndicats français existent, c’est grâce à l’appui tacite de l’État français. Ces syndicats n’ayant que peu d’adhérents, ils doivent trouver d’autres moyens de financement. Ainsi, ce sont environ 40 000 postes à temps plein qui sont mis à leur disposition. Pour faire clair, 40 000 personnes en France sont payées par des entreprises ou des administrations, mais n’y mettent (pratiquement) jamais les pieds à cause de leur activité syndicale. Par exemple, cette très chère Arlette Laguillier, à son époque, était employée de la Poste française, mais n’y travaillait pas. Quel beau pays…
Je ne suis pas juriste, mais il me semble que tout ceci n’est pas très légal, et pour « tuer » le mode de fonctionnement des syndicats français, il suffirait de mettre en place des lois qui interdisent ce mode de financement déguisé. En Suisse, où environ 20% des salariés sont syndiqués, ce mode de financement détourné n’existe pas, et les syndicats ne vivent que grâce aux cotisations payées par les employés qu’ils défendent.
Une mise en œuvre de ces changements difficile
Quelques problèmes subsistent pour la mise en œuvre : les Parlementaires français seraient-ils prêts à perdre ce magnifique pouvoir de faire des lois « dans leur coin » et à le confier en partie au peuple ? Pas si sûr…
Les syndicats, dont le principal moyen d’action est la radicalisation par la grève, risqueraient pour leur part de perdre de leur intérêt aux yeux des salariés si ceux-ci étaient aux commandes parlementaires. Ils n’ont donc clairement aucun intérêt à aller dans ce sens…
Que mes propos ne soient pas détournés : je pense que le syndicalisme est un contre-pouvoir indispensable pour le bon fonctionnement de l’économie lorsqu’il est mené dans l’intérêt commun. Le syndicalisme suisse, allemand ou suédois me paraissent avoir une approche saine. En revanche, le syndicalisme à la française nuit à l’économie et doit être tué… pour mieux renaître.
Vilay says
Amen!
Mais comme tu dis, je doute que les corporatismes renoncent à leur pré carré. Il faudrait un politique courageux qui ose introduire un système de votation à la suisse pour rendre le pouvoir au peuple.
Wallen's says
J’ai bien peur que cela n’arrive pas de sitôt en France. Un pays et ces structures politiques, sociales et économiques sont le résultat de son histoire. Hors la France et la Suisse ont deux histoires et raisons d’être très différentes ce qui expliquent les différences actuelles.
La France est une démocratie… tout les 5 ans lors de la présidentielle, le parlement (sous la 5ème République et plus encore sous Sarkozy) n’est qu’une chambre d’enregistrement. Ce n’est pas très loin d’un système monarchique(élu). Hors comment dans ce cas imaginer qu’un droit d’iniative populaire effectif soir mis en place? Bien d’eau coulera sous les ponts…
Le Blog de Laurent says
C’est une façon de voir les choses…
Le syndicalisme français est le résultat d’une histoire qui n’est pas celle de la Suisse et c’est aussi l’expression de la démocratie française. Il ne peut pas être jugé à l’aune d’un libéralisme qui montre aujourd’hui ces limites, même -et surtout- en Suisse.
Il est évident que les grèves des transports publics ne sont que des expressions exacerbées d’un corporatisme d’un autre âge. Mais les syndicats ne représentent pas que les privilégiés de la SNCF. 3 millions de personnes dans la rue…
David Talerman says
@Laurent
Ce qui me frappe, c’est lorsqu’on demande aux manifestants pourquoi ils manifestent, beaucoup répondent : « par solidarité » ou « contre la crise économique ».
« Par solidarité » : sachant que la très grande majorité des manifestants est de la fonction publique, cela revient à être solidaire d’une fonction publique… qui part à la retraite parfois 10 ans avant les employés du privés, qui travaille parfois moins de 30 heures / semaine… et qui se plaint. Je pense que tout ceci, les « solidaires » ne l’ont pas en tête, sinon la réaction serait probablement un peu plus froide. Car si justement les employés du privés travaillent autant, c’est parce qu’ils doivent compenser les « trous » provoqués par les absences du personnel du public.
« Contre la crise économique » : il me semble que les mesures prises par le gouvernement sont plutôt de nature à contrer la crise, du moins il tente tout ce qu’il peut. Alors manifester contre la crise, je ne comprends pas très bien.
3 millions de personnes, mais moins de grévistes : alors qui était dans la rue ? Pas les employés du privé en tous les cas.
Certes le syndicalisme français fait partie de notre histoire : il avait un sens dans les années 30 et après la guerre, aujourd’hui il mène un combat d’arrière garde qui est criminel pour l’économie française.
Nous assistons, impuissants, à un conflit de façade entre syndicats français et autorités, mais en réalité, c’est leur entente tacite et leur refus de faire évoluer la société et la Constitution qui ruine le pays. Ou peut-être ce principe qui consiste à dire : « C’est l’histoire, ça a toujours été comme ça, alors ne changeons surtout rien ». Et vous savez quoi ? En utilisant les mêmes méthodes, on ne fait qu’obtenir les mêmes résultats…
Anonymous says
en Suisse, ce n’est pas l’initiative populaire qui permet de soumettre une loi au vote populaire mais le référendum. Facultatif la plupart des cas, obligatoire sur certains objets.
David Talerman says
Merci pour la distinction entre le référendum et l’initiative, je me suis effectivement emmêlé les pinceaux. Toutes mes excuses.
D’ailleurs, j’avais parlé de l’initiative ici :
Ah que c’est beau la démocratie directe
Anonymous says
Je m’aperçois d’une autre imprécision. Le contre-projet, ce n’est pas une émanation du peuple mais un projet élaboré par le gouvernement et voté par le parlement en réponse à une initiative populaire. Enfin, en Suisse, une initiative est toujours une initiative constitutionnelle. Il s’agit donc soit d’un nouvel article constitutionnel ou de la modification d’un article existant. L’initiative législative, permettant de proposer un texte de loi, n’existe pas, du moins pas au niveau fédéral. Je ne sais pas si certains cantons la connaissent.
Le Blog de Laurent says
Ce n’est pas faux de parler de conflit de façade et d’entente des syndicats et des politiques. Mon propos n’est pas de ne rien changer mais de se servir de l’histoire pour se dire que c’est peut être le moment de changer quelque chose.
Dans cette époque de « pointage du doigt » des abuseurs (stock option, etc…) n’est-ce pas le moment de revitaliser les syndicats en révisant leurs hommes et leurs missions, avant que ce ne soit la révolte (c’est ici peut être le sens des 3 millions de personnes dans la rue). Nous savons tous qu’après une révolution on revient au point de départ, ne serait-ce pas mieux d’évoluer avant? Et n’est-ce pas ce qu’exprime ses grêves sans revendications claires…
David Talerman says
Cher « Anonyme », merci beaucoup pour ces précisions : les modifications sont effectuées.