A l’heure où le sort des pays de l’UE concernant les dettes souveraines est scellé à une nième conférence de la dernière chance, il m’a semblé intéressant de mettre en perspectives certains chiffres, de sorte à situer la Suisse par rapport à certains pays de l’Union européenne.
Souvent, on me répond que comparer la France et la Suisse, ce n’est pas possible, car les pays n’ont pas la même taille. Pour contourner cet argument, je propose de comparer les taux d’endettement des états (exprimée en pourcentage du PIB des pays) : c’est une information concrète, qui ne tient pas compte de la taille du pays mais bien de ses performances économiques, en regard de ses dépenses.
Pays | Taux d'endettement |
---|---|
Suisse | 36,4 |
UE - Zone euro | 88,4 |
Allemagne | 83,7 |
France | 84,8 |
Italie | 121,3 |
Autriche | 73,7 |
Belgique | 96,7 |
Pays-Bas | 65,6 |
Suède | 36 |
Royaume-Uni | 86,1 |
source : AFF et OCDE
Un rapide coup d’oeil permet de constater que la Suisse se classe parmi les meilleurs élèves. Ce résultat n’est bien sûr pas le fruit du hasard, mais celui d’une gestion plutôt saine des finances du pays.
Alors que dans certains pays on a dépensé sans jamais se soucier de ce qu’on pouvait se permettre, en Suisse on est resté mesuré, et surtout la Suisse a commencé à rembourser sa dette depuis plusieurs années déjà, afin de se désendetter. Ce qui permet d’avoir un joli graphique comme celui ci-dessous :
Les états les plus endettés (j’exclurai la Grèce), Italie, Belgique, France, Royaume Uni ont diversement réagi : certains, comme le Royaume Uni, on pris des mesures drastiques et radicales, fort impopulaires, mais qui auront l’avantage de sauvegarder les finances du pays.
D’autres, comme la France, semblent se rendre compte qu’il faut vraiment finir par faire quelque chose. Malheureusement, nous rentrons en période électorale, et le pire est à craindre, car plutôt que des bonimenteurs, il faudrait à la France un Churchill qui ose dire « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, de la peine, des larmes et de la sueur« . Mais impossible de se faire élire dans ces conditions, alors il est fort probable que nos hommes politiques veuillent continuer à nous faire rêver, alors que je suis persuadé qu’il faut un remède de cheval pour remettre à l’endroit ce beau pays.
Du coup, je ne sais pas pour vous, mais moi rêver de la France en étant en Suisse me convient très bien. Et bien mieux.
Le levier des pays pour réduire la dette : augmenter les impôts
Le réflexe de beaucoup de pays (dont la France) pour réduire la dette, est d’augmenter les impôts (ont-ils d’autres choix ?). Et c’est là que l’histoire devient franchement inquiétante pour les Français, car les impôts contribuent déjà à près de 42% du PIB en France, alors qu’en Suisse cette contribution est inférieure à 30%, ce qui laisse au pays une marge « acceptable ».
Les cantons les plus endettés
Mais comme vous le savez, la Suisse est un état fédéral. Et comme pour de nombreux critères économiques ou sociaux, les différences entre les cantons sont parfois saisissantes. C’est notamment le cas pour l’endettement. On retrouvera logiquement parmi les cantons les plus endettés les grandes villes suisses, mais avec une suprise : Genève est très largement devant tous les cantons, avec un endettement plus de 2 fois plus grand que le canton de Zurich.
Canton | Endettement |
---|---|
Genève | 13534 |
Zurich | 6407 |
Vaud | 6085 |
Berne | 5564 |
Bâle-Ville | 4026 |
Argovie | 2435 |
Bâle-Campagne | 2035 |
Tessin | 1935 |
Neuchâtel | 1529 |
Lucerne | 1283 |
Saint-Gall | 1207 |
Valais | 1147 |
Fribourg | 927 |
Soleure | 848 |
Grisons | 747 |
Thurgovie | 697 |
Zoug | 407 |
Jura | 386 |
Schwyz | 312 |
Schaffhouse | 232 |
Nidwald | 231 |
Glaris | 205 |
Uri | 139 |
Appenzell Rh.Ext. | 104 |
Appenzell Rh.Int. | 27 |
Obwald | 10 |
Si vous voulez en savoir plus sur les finances de la Suisse, consultez le memento statistique « Les finances publiques 2011 » (pdf)
Très intéressant, tout comme l’est votre blog.
Bravo pour votre travail!
Merci beaucoup !
Cela va encore donner des arguments pour donner Genève à la France!(humour)
fort intéressant…merci a vous
La suisse blanchit l’argent sale du monde entier, c’est pour cela qu’elle s’en sort mieux…faut il s’e rejouir?
C’est un argument qu’on entend effectivement souvent : la Suisse, qui ne fait pas partie de l’Union européenne et qui est un pays de taille « modeste » est souvent montré du doigt sur ces sujets.
Mais pensez-vous que la Belgique, le Luxembourg, voire la France (avec l’argent et les investissements des dictateurs africains) fassent mieux et puissent donner des leçons à la Suisse ?
Pas certain…
Je pense que ce ne sont pas les meme proportions.
un pays de 7 millions et quelques d’habitants qui compte dans ses coffres la fortune de plus de 50% des milliardaires sur terre…
Je ne jette la pierre a personne, mais que les petits suisses ne viennent pas donner des leçons au monde entier.
il est tres facile de baisser les taxes des entreprises avec autant de cas disponible.
Là pour le coup je vais vraiment défendre la Suisse. Je crois qu’il n’est pas dans les habitudes des Suisses de faire la leçon, et pour ma part je suis Français donc je parle sans ambiguïté. Concernant le taux d’impôt des entreprises suisses, il est certes beaucoup plus bas que le taux d’IS en France, ce qui est considéré comme de la concurrence déloyale. Mais que dire alors des subventions monstrueuses (nous parlons dans certains cas de plusieurs dizaines de millions d’euros) versées systématiquement par les collectivités locales pour accueillir les entreprises étrangères qui s’implantent en France (phénomène qui n’existe pas en Suisse) ? Si ce n’est pas de la concurrence déloyale, alors il faut m’expliquer ce que c’est. Non, sérieusement, il faut aller au-delà des clichés et de ce que les médias veulent bien nous dire. Et sur ce terrain, pas certain que la Suisse soit le plus mauvais élève…
bien au delas des clichés de des médias, je parle d’experience personnelle et de mes amis:
essayez de blanchir 1 million d’euros en suisse et il n’y a rien de plus facile.
Par voie de conséquence, cet argent peut etre réinjecté dans l’économie, tres facilement, de meme qu’au luxembourg, et ce n’est pas un hasard.
dès lors, avec autant d’argent frais, qu’ils n’aient pas besoin d’en emprunter sur les marchés.
Le reste suit tout seul.
Essayez de faire disparaitre le secret bancaire, on verra dans 10 ans si la suisse se porte aussi bien…
C’est toujours le même cliché ! Le secteur bancaire (hors assurances) pèse environ 5% du PIB. Et la plus grosse partie n’est pas générée par l’activité de Private Banking offshore, loin de là. Même si le secteur bancaire et financier est majeur pour le pays, l’économie est suffisamment diversifiée, et notamment grâce à des activités de niches à forte valeur ajoutée, pour tirer son épingle du jeu.
Et pour être tout à fait précis, le secret bancaire est mort depuis 2008, même si des adaptations récentes (et controversées) ont été faites pour l’Allemagne et le Royaume Uni.
Merci pour cet article. Et en réponse à Phil : ne pas tout mélanger. Car même s’il y a de l’argent « sale », blanchie en Suisse, c’est uniquement dans les banques et non dans les comptes de la Confédération. Ne mélangez pas banques et dette publique.
Phil, la vie n’est pas un film… 1 million d’Euros…
Cher Monsieur Talerman, merci pour votre Blog. Quant à « Phil », je constate encore une fois que nous autres, « petits suisses » à coté des « grands français » (qui ont en tous temps ont donné des leçons au monde entier) devons nous battre contre les clichés au même titre que le Français qui roule en 2CV et qui achète des baguettes. Même s’il est clair que la bonne économie suisse participe à la bonne santé des finances publiques, c’est dans la grande majorité la gestion scrupuleuse des dépenses ainsi que le frein à l’endettement qui permettent à la Suisse de tenir le cape aussi bien. Je rappelle pour mémoire que le plan comptable européen ne prend pas en compte les amortissements ce qui de facto a permis à plusieurs pays de maquiller leurs comptes alors que le plan comptable suisse force à l’amortissement. Dans le secteur public, c’est un élément de taille. Les fonctionnaires de Bruxelles ont en outre déclaré que « oh mais l’inflation compensera le tout », au détriments des contribuables de toute l’Europe. De plus, il est statistiquement prouvé qu’un pays fédéraliste pourra toujours mieux garder le contrôle sur ses finances publiques qu’un pays centralisé redistribuant ensuite les « deniers ». Que la Suisse, dépourvue de ressources naturelles, ait encore du chemin à faire au niveau de l’éthique économique est tout à fait vrai (tout comme tous les pays de l’UE y compris la France). En revanche, l’éternel argument fallacieux consistant à dire que « c’est facile pour la Suisse car elle a des banques et blanchit de l’argent sale » est franchement faible, voir nul. Pour conclure, la législation suisse en matière de blanchiment d’argent est l’une des plus sévères du monde. D’autres pays de l’UE le pratiquent plus intensément (GB grâce à certaines îles) et on ne peut pourtant pas dire que leurs finances publiques soient au beau fixe. En résumé, il serait plus judicieux de se remettre en question et d’écouter autrui plutôt que de taper sur le voisin qui, dans un domaine, fait mieux.
Plutôt d’accord !
Hello David,
Excellent article. Très bien documenté. Un blog à suivre pour moi 🙂
A pluche l’ami
C’est super intéressant tout ces chiffres. On devrait tous plus s’intéresser à nos amis les Suisses !
Céline
Je ne suis pas d’accord avec vous. A mon avis, vous partez d’une hypothèse de départ répandue et facile à comprendre, mais parfaitement erronée : « Alors que dans certains pays on a dépensé sans jamais se soucier de ce qu’on pouvait se permettre… » Si l’on suit l’évolution de la dette grecque (ou espagnole) ces dernières années, comment ne pas voir l’explosion de celle-ci comme une conséquence du sauvetage des banques suite à la crise de 2008 ?
Sans oublier la sous-estimation de la dette grecque orchestrée par Goldman Sachs (dont Draghi est un ancien…)