Peut-être en avez récemment entendu parler : un projet d’avenant à la convention fiscale franco-suisse de 1966 est en passe d’être accepté.
Je n’aime pas rentrer en matière sur des sujets politiques, mais je ferai une exception pour celui-ci, qui nous concerne tous, et dont les motivations ne me paraissent pas très saines.
La convention fiscale franco-suisse gère tous les aspects fiscaux qui concernent les français qui travaillent en Suisse, résidents et frontaliers.
C’est elle qui permet d’éviter la fameuse double imposition pour les travailleurs frontaliers à Genève. C’est également dans cette convention qu’est stipulé que tous revenus issus de la prévoyance ne sont taxés ni en France, ni en Suisse.
En termes pratiques, tout Français qui arrête son activité professionnelle en Suisse et qui rapatrie son 2ème pilier, paye un impôt à la source au fisc suisse de son canton. L’administration fiscale cantonale lui remet en même temps un document qu’il doit faire signer au Fisc français lors de la déclaration de ces revenus en France. Une fois signé, ce document vous permet de récupérer l’intégralité du montant d’impôt à la source que vous avez payé lors de votre départ.
Des sommes importantes en jeu
Les sommes en jeu ne sont pas négligeables. Par exemple, pour un 2ème pilier qui s’élèverait à 80 000 francs suisses, le montant de l’impôt à la source est de près de 5 500 francs suisses pour une caisse de pension ayant son siège dans le canton de Vaud.
L’avenant à la convention fiscale vise cet impôt à la source, qu’il a prévu de supprimer.
A titre personnel, mon premier réflexe à été de raisonner « à la Suisse » (n’oubliez pas que les Suisses ont refusé, par referendum, une baisse d’impôts) : j’ai simplement essayé de voir si, dans cette démarche, un intérêt collectif était en jeu.
En creusant, il s’avère que cet impôt à la source ne semble objectivement pas très juste, simplement parce que l’impôt sur le revenu a déjà été prélevé sur cette somme (le 2ème pilier fait effectivement partie des charges sociales issues des prélèvements sur le salaire brut).
Mais je crois que la pilule la plus difficile à avaler, c’est la raison évoquée à demi mots par Christine Lagarde, Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi : des concertations entre Paris et Berne ont été menées sur le sujet très délicat de l’évasion fiscale des Français en Suisse. Et l’imposition à la source des revenus issus du capital serait au centre d’un « deal » plus que douteux : la France, en « acceptant » que la Suisse conserve cet impôt à la source, aurait en contrepartie accès aux informations fiscales et bancaires pour les français ayant un contentieux fiscal avec la France et « réfugiés » en Suisse…
L’association de frontaliers qui a découvert l’existence du projet est pessimiste
Comme l’indique le Groupement transfrontalier européen* par la voix de son Président Michel Charrat, qui a découvert l’existence de ce projet mené en sous-marin depuis plusieurs mois entre les autorités fiscales françaises et suisses : « …les intérêts des travailleurs frontaliers [et des résidents étrangers] ne pèsent pas lourds ! » dans ce deal politique. A mon sens, on sacrifie les intérêts des travailleurs français en Suisse pour de bien mauvaises raisons.
Car l’ironie, c’est que si Berne signe un accord avec Paris, il devra le signer aussi avec les 26 cantons et demi cantons, car ce sont eux qui gèrent « le terrain », Berne ayant notamment la tâche de déterminer le système d’impôts.
Et pour le secret bancaire, il est étroitement lié à l’article 13 de la Constitution suisse, et il n’est pas exactement à l’ordre du jour de le remettre en question…
En conclusion, il s’agit bien d’un jeu de dupe, dont Paris serait le dindon de la farce, et les travailleurs en Suisse les victimes.
* le Groupement transfrontalier européen est une association loi 1901 qui compte près de 30 000 adhérents frontaliers et qui informe et défend les intérêts des travailleurs frontaliers en Suisse.
Anonymous says
Bonjour,
J’ai une petite question sur un point de fiscalite abordé dans votre livre : certains placements ne sont plus possibles si vous choisissez de résider en Suisse. Est ce que vous savez si c’est le cas pour les plans d’épargne entreprise?
Merci, Marie