J’adore le pragmatisme suisse : que ce soit en affaires ou dans d’autres domaines, ce bon sens paysan (ou pas) permet bien souvent de trouver une solution pratique et efficace à beaucoup de problèmes. C’est d’ailleurs bien souvent ce bon sens qui permet au pays de régulièrement truster les classements internationaux sur le plan économique. Et dans le domaine de la lutte contre la fraude sociale, les Suisses sont là encore, je pense, numéro 1, avec une série de mesures bientôt inscrites dans la loi qui vont plutôt très loin dans l’inquisition.
Les assureurs pourront géo-localiser les potentiels fraudeurs
En effet, le Conseil des Etats a récemment adopté un projet de loi pour le moins efficace contre les fraudeurs aux prestations sociales. Non seulement la loi autorise les enregistrements sonores, mais elle permet par ailleurs aux assureurs et caisses de pension de géo-localiser par émetteur GPS une personne bénéficiant de l’assurance sociale. La loi prévoit toutefois une limitation dans la durée d’inspection de 30 jours maximum. Le Conseil des Etats a par ailleurs rejeté la possibilité de faire encadrer ces « opérations » par un juge.
Qu’est-ce qu’un fraudeur potentiel, et comment les sélectionner ?
La vraie question est ici plutôt de savoir ce qu’est un fraudeur potentiel. Comme ces compagnies d’assurance ont très certainement à disposition des outils mathématiques qui permettent de détecter le profil des potentiels fraudeurs (des outils analysent les caractéristiques des fraudeurs avérés, sortent un score sur la base des assurés actuels, ce qui permet de détecter les candidats à risque, qui ne sont ni plus ni moins que ceux ayant atteint un certain score), cela signifie en réalité qu’avant même de vous accorder une pension d’invalidité, la compagnie serait techniquement en mesure de savoir si vous êtes un fraudeur potentiel. Cela vous effraye ?
La fraude sociale : un sujet pris au sérieux depuis longtemps
Pour mémoire, il était auparavant autorisé et possible pour les caisses de pension ou compagnies d’assurance de mandater un détective privé pour aller traquer les présumés fraudeurs. En 2009, dans ce blog, je décrivais d’ailleurs comment du personnel Securitas avait organisé une filature jusqu’en Thaïlande pour traquer d’éventuels fraudeurs à la pension d’invalidité ! La fin justifie les moyens, car au final, ces démarches auraient permis à la Suisse d’économiser 50 millions par an…
En conclusion
En Suisse, on ne plaisante pas avec l’argent public, les autorités le montrent bien avec ces mesures exceptionnelles qui vont être inscrites dans la loi. Mais tout ceci ne fait tout de même pas très bon ménage avec le respect de la vie privée. En 2016, la Cour européenne des droits de l’Homme avait d’ailleurs condamné une assurance à verser des dommages et intérêts à une personne qui avait été pistée par des détectives mandatés par l’assurance. Alors, elle va un peu trop loin la Suisse ici ?
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