La marque « Suisse » a pris des coups de canifs, et les différentes crises auxquelles le pays est confronté ces dernières années (crise des subprimes, l’affaire HSBC Falciani, Swissleaks, Panama Papers…) ont quelque peu fragilisé son économie ainsi que l’attractivité du pays.
Mais la Suisse reste étonnamment imperméable à tous ces événements, avance, et continue à attirer investisseurs et travailleurs, à en croire les différentes études internationales, locales, et les tendances du recrutement des mois à venir. Alors est-ce que pour autant tout va pour le mieux ? Pour les mois à venir, il est probable que le pays s’en sorte plutôt bien, voire très bien si l’Union européenne, redémarre assez pour développer ses échanges avec la Suisse mais pas trop pour ne pas concurrencer les entreprises du pays. Mais au final, nous devrions tous regarder plus loin, bien plus loin, car ce qui attend la Suisse dans les 20 ou 30 ans à venir n’est ni plus ni moins qu’un vieillissement très important de la population, dépendance qui ne peut être contrecarrée que par… l’immigration, que le peuple suisse s’apprête à réduire.
La marque « Suisse » a pris quelques coups de canifs
Il m’est arrivé assez fréquemment de parler dans ce blog de ce que la marque « Suisse » véhiculait en termes d’images positives (qualité, sérieux…). Il suffit de savoir qu’un produit a été fabriqué en Suisse pour lui attribuer un nombre insoupçonné de vertus. Le goodwill de la Suisse (la réputation de la marque) est si fort que pour des produits équivalents, on préférera parfois le produit suisse même s’il est plus cher. Le goodwill de la Suisse, ce sont des années de constructions, de fondations, de travail des entreprises suisses, ainsi qu’une stratégie étatique basée sur la création de valeur.
Mais tout ceci ne serait pas possible sans un environnement politique et social favorable, et surtout stable. La Suisse, c’est l’incarnation de la stabilité, qu’elle soit politique, fiscale, ou sociale, elle-même soutenue par une situation économique favorable.
Mais depuis quelques mois, la mécanique bien huilée se grippe. Le peuple a voté une loi début 2014 qui vise l’immigration, et qui risque d’avoir de fâcheuses conséquences économiques. Du moins le pense-t-on, car pour l’instant, il n’y pas la moindre annonce officielle qui soit de nature à permettre de comprendre ce qu’il va se passer, ni à savoir dans quelle direction le pays va aller. Ajoutez à tout ceci un travail de sape et de désinformations des partis conservateurs, dans la presse, sur le Web et les réseaux sociaux, ainsi qu’une incompréhension de la Suisse de la part des médias de masse à l’étranger, et vous obtenez une image de la Suisse bien écornée et bien éloignée de ce qu’elle est vraiment.
Les conséquences, on les retrouve dans l’attractivité de la Suisse de la part des travailleurs étrangers, qui, selon moi, est déclinante. Si on regarde les seuls résultats de l’étude HSBC YouGov sur l’expatriation en Suisse, on constate que la Suisse était en 2014 la destination préférée des expatriés, et qu’elle n’est plus en 2015 qu’à la 10ème position. 9 places de perdu en une année, sur un classement comportant 39 pays, c’est sévère. Dans mon entourage professionnel, j’ai également des feedbacks d’étrangers qui en ont assez de lire et d’entendre tout un tas de propos totalement déplacés sur les étrangers, les frontaliers etc. Ces personnes envisagent de moins en moins de rester en Suisse, et tournent leur regard vers des pays qui, à l’évidence, accueillent les étrangers qualifiés avec plus de plaisir.
L’industrie flanche mais l’économie résiste et va repartir à court terme
Les conséquences de l’abandon du taux plancher et le franc fort – qui montrent au passage à quel point la Suisse est dépendante directement et indirectement de l’Union européenne – ont créé de l’incertitude économique et ont eu pour conséquence une limitation des investissements et des recrutements, dans l’industrie suisse et le tertiaire. Les entreprises suisses constatent qu’il est plus difficile de faire des affaires, alors elles s’allègent ou se préparent à affronter des moments plus difficiles. Ça, c’était encore vrai le mois dernier.
Car finalement, rien ne semble pouvoir ébranler l’économie suisse puisque le pays semble récemment regagner en confiance (la forte croissance du nombre d’offres d’emploi observée en Suisse le mois dernier est là pour le prouver), et les investisseurs semblent même avoir plus d’intérêt maintenant qu’un an auparavant, selon la récente étude du cabinet de conseil A.T. Kearney qui place le pays au 11ème rang des pays les plus attractifs pour l’investissement. Alors peut-on dire « circulez, y’a rien à voir ? »
Le talon d’Achille de la Suisse, c’est sa démographie, et son remède l’immigration
C’est vrai, l’économie du pays ne se porte pas si mal que cela. Certes, le secteur secondaire est bien amoché et souffre depuis plusieurs mois, et quelques entreprises ont fait des annonces spectaculaires de licenciements. Mais tout cela tient, car l’économie suisse est bâtie sur des fondamentaux sains, et la Suisse est peu endettée en comparaison internationale et européenne. Et même si le pays est, à son corps défendant, très dépendant de l’état de santé des autres pays, l’économie suisse tient la route, misant sur la consommation intérieure quand les exportations ne sont pas assez fortes.
Mais le danger qui guette la Suisse est bien pire, et bien plus pernicieux qu’une crise économique, et bien plus dangereux : le vieillissement de sa population. Le talon d’Achille de la Suisse, ce qui risque de plonger le pays dans une profonde dépression, c’est le vieillissement de sa population, qui est déjà en marche.
Si on prend en effet en considération les différentes hypothèses faites sur l’évolution de la population suisse par l’Office fédéral de la Statistique, la dernière en date indique par exemple :
- que le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus va presque doubler dans les 30 prochaines années
- qu’il y aura pratiquement 1 inactif pour 2 actifs en 2045 (il est de un pour trois en 2015)
- l’ampleur de la croissance de la population en général et de la population active en particulier au cours des prochaines décennies dépendra presque totalement de l’immigration
Dit autrement, à cause du vieillissement accru de la population dans les 30 ans à venir, la Suisse devra la survie de son système social et de son économie à l’immigration. C’est mathématique et implacable.
Et comme la Suisse s’apprête à réduire son immigration suite aux votations de février 2014, autant dire qu’il ne reste plus qu’une seule solution au peuple suisse : faire des enfants, et vite, car il faudrait passer d’un taux de fécondité de 1,42 enfants par femme, à plus de 2,20. Et encore, même avec ces chiffres, on n’est pas sûr que le pays s’en sorte. Alors à quand un referendum qui obligerait les familles suisses à avoir au moins 3 enfants ?
miss EB says
Je m’interroge sur les « méfaits » de la baisse démographique. Qui dit moins de personne, dit plus de logements vacants, donc moins chers, avec moins de mises en chantiers nécessaires, donc moins d’impôts,non? Idem pour l’emploi avec un marché encore plus ouvert? Et si vraiment vraiment vraiment on veut absolument une population qui augmente, le premier des chantiers ne serait-il pas de mettre à disposition des mères des moyens de garde facile d’accès et peu chers??
David Talerman says
Je pense au contraire que moins il y a de personnes, plus le risque de payer plus d’impôts est important. Le problème ici n’est par ailleurs n’est pas tant d’avoir une population qui augmente, mais une population qui reste jeune.
Marquilly says
Bonjour, j’ai 4 enfants en bas âge (de moins de 10 ans), je suis infirmière et mon mari aussi…
Nous souhaitons nous installer en Suisse d’ici 1 an ou 2, mais nous ne savons pas si c’est gérable avec autant d’enfants…
A la lecture de votre article, je me demande si les suisses sont conscients de ça et donc pourraient favoriser l’installation chez eux de famille avec enfants…
Qu’en pensez-vous? Est-ce faisable financièrement avec une famille aussi nombreuse?
David Talerman says
Bonjour,
Très franchement, je pense que ce sera difficile. Après, cela dépend aussi du canton : certains proposent des coûts du logement plus importants que d’autres (notamment Genève, Zurich et Vaud).
Pays pas forcément Bas says
Remède pour le vieillissement de la population? Augmenter l’age de la retraite en Suisse jusqu’à 68 ans, comme par exemple en Grande-Bretagne. Ainsi davantage de seniors resteraient encore sur le marché du travail.
Gregorio says
Mon opinion à ce sujet est très simple, les personnes âgées ne méritent pas un tel traitement, augmenter l’âge de la retraite équivaut à l’augmentation des coûts.
Après une longue réflexion, je me suis rendu compte que, je suis un jeune près à intégrer le marché du travail, je fini ma formation dans quelques jours , cela dit j’aimerais pouvoir intégrer une entreprise et travailler, si maintenant nous augmentons l’âge de la retraite les personnes qui sont sensées me laisser leurs places ne le ferons pas. Autrement dit , je serais un jeune avec des excellentes qualifications diplômé à la recherche d’un travail, au fil du temps si je ne trouve pas d’emplois je baisse le niveau de mes capacités. J’augmenterais le taux des chômeurs étant quelqu’un active,major et à la recherche de travail. J’augmenterai les charges de mon ménage, sans pouvoir aider mes parents (qui sont près de l’âge de la retraite actuelle) et je ne pourrais rien faire pour les aider. Le taux du chômage augmente, les subsides de l’Etat aussi ( charges), puisque les familles demanderons encore plus d’aide puisque les anciens ne partent pas et les jeunes ne trouvent pas de place de travail.
Vous dites la Suisse vieillit, mais lorsque nous(jeunes) essayons t’intégrer le marché du travail , vous ( entreprises) demandez des expériences et qualifications excessives pour maximiser les gains et minimiser au max les pertes (salaires, nombre de recrutements…). Alors nous les jeunes allons chercher dû travail ailleurs, ne contribuons pas à l’économie de la Suisse, qui fait trop de mauvais choix, et essayons de survivre à ces situations.
Encore un point intrigant , la Suisse est contre l’immigration à mon avis, si vous dites maintenant avoir besoins de la main d’œuvre des étrangers, fallait y réfléchir plus tôt , puisque les gens de l’extérieur rêves de la Suisse et ne connaissent en rien ce pays. Mais ici ils ne sont pas reçus et traitées comme ils pensaient au départ une fois ici les choses se compliques. On les critiques tout temps, faisons des fausses premières impressions et les expulsions comme « les mauvais ».
bernard says
Quels sont les mauvais choix de la Suisse selon vous ?
Une Suissesse expatriée says
Augmenter l’âge de la retraite! Non, mais ça va la tête? La plupart des travailleurs sont
foutus avant 60 ans, ceux sur les chantiers à 40 ans. Mais ce n’est pas grave. Il y a les médecins, les hôpitaux, les psy, les EMS. Quelle catastrophe, la retraite à 68 ans. Il faut plutôt faire travailler les fainéants des services sociaux (j’en connais, ils sont jeunes avec enfants),
les faux réfugiés (j’en connais aussi, ils savent bien mentir et jouer la comédie), quant aux
jeunes travailleurs, il y en aura toujours assez, puisque depuis la libre-circulation des
personnes, la Suisse a été envahie, au point que des Suisses ont dû fuir pour leur laisser la place (à tout point de vue).
David Talerman says
Autant dire que des jeunes en Suisse, il y en aura si peu dans quelque temps qu’il serait très improbable qu’à l’avenir on leur « vole » leur travail. Cette vision de l’étranger qui vole le travail de l’autre est tout de même assez éculée, même si dans certains secteurs on sait que cela existe. Mais certainement pas au niveau national. Pour ce qui est des fénéants et des réfugiés, je crois qu’on a bien compris le sens de vos idées…
Pays pas forcément bas says
@une Suissesse expatriée
« Augmenter l’âge de la retraite! Non, mais ça va la tête? »
Madame, veuillez vous abstenir des commentaires grossières.
La notion que les gens agés doivent laisser leur places du travail aux jeunes est tout-à-fait fausse. Il y a de plus en plus de personnes qui prennent leurs retraites alors que le nombre des actifs au travail rétrécit. Les cotisations AVS coûtent donc plus cher qu’avant, ce qui n’est pas favorable même pour les jeunes travailleurs qui se voient leurs salaires net réduits.