Cela fait plusieurs années que la presse locale se penche sur le cas de frontaliers de nationalité suisse qui habitent en zone frontalière française et qui n’y déclarent pas leur résidence principale. Récemment, c’est sur le journal de France 2 qu’on en parlait. Pour que la presse nationale commence elle aussi à regarder de près ce sujet, c’est que cela commence à « gratter ».
Mais avant de commencer, je vous propose de vous dire de quoi on parle.
Des Suisses qui ne se déclarent pas en résidence principale
Dans le canton de Genève, et plus récemment dans le canton de Vaud, les prix de l’immobilier sont tels qu’ils poussent les locaux à vivre en France. Chaque année, de nombreux résidents suisses prennent donc la décision de s’installer de l’autre côté de la frontière.
Parmi ces résidents suisses, certains décident de ne pas se déclarer en résidence principale (alors que c’est manifestement le cas) et de conserver une adresse dans le canton de Genève. Les conséquences de ce choix sont multiples. Pour les personnes dans cette situation, c’est notamment au niveau des assurances sociales (santé, chômage par exemple) et des impôts que cela change le plus. Pour les communes françaises concernées, ce n’est pas un détail : elles touchent de la part du canton une rétribution qui dépend directement du nombre de frontaliers travaillant en Suisse et qui sont en résidence principale.
C’est de ce phénomène dont je souhaite parler.
Des différences entre frontaliers et résidents du canton de Genève souvent à l’avantage des frontaliers
Je ne me positionnerai pas sur le plan du droit ou de la morale, après tout chacun fait ce qu’il veut, avec les risques que cela comporte. Je trouve ici beaucoup plus intéressant de se pencher sur les motivations, car si on met tout sur la balance, je pense qu’il y a pas mal de points positifs côté français, ce qui permet de s’interroger sur les raisons qui poussent les Suisses à ne pas se déclarer en résidence principale en France. Voici résumé ci-dessous les principales différences :
- l’impôt sur le revenu : la grande différence entre un résident dans le canton de Genève et un frontalier travaillant dans le canton de Genève, c’est que le premier est soumis à un barème ordinaire (s’il n’est pas étranger) et peut donc bénéficier de plusieurs déductions, et notamment de nombreux frais professionnels. Certains frontaliers ont pour leur part la possibilité de bénéficier d’un statut quasi identique (quasi-résident) mais cela dépend de certaines conditions et les démarches ne sont pas si simples.
- chômage : les résidents du canton de Genève perçoivent le chômage depuis la Suisse et sont donc payés en francs suisses. Les frontaliers sont indemnisés par Pôle Emploi et perçoivent donc leur chômage en euros. Dans les 2 cas, les méthodes de calculs sont différentes.
- allocations familiales : les résidents genevois touchent des allocations de 300 francs suisses par enfant et par mois jusqu’à 16 ans (400 francs ensuite jusqu’à 20 ans), ainsi qu’une allocation de naissance de 1000 francs. Les frontaliers touchent pour leur part les allocations de la France, et un complément est versé par la Suisse (le différentiel) sur demande. Ils ne bénéficient pas de l’allocation de naissance (voir également le commentaire du Groupement transfrontalier européen pour plus de détails sur ce sujet)
- assurance santé : les résidents genevois doivent obligatoirement s’assurer avec le régime suisse LAMal. Les frontaliers ont le choix et bénéficient du droit d’option. Les frontaliers ont accès à 3 régimes possibles : CMU, LAMal frontalier et assurance santé privé.
- retraite : le système de cotisation est le même dans les 2 cas. En revanche, les frontaliers n’ont pas la possibilité de cotiser de leur propre initiative à l’AVS (ce qui peut être intéressant pour compenser des années manquantes par exemple). C’est d’ailleurs un combat mené par le Groupement transfrontalier européen.
- les frais et taxes liés au véhicule : les suisses qui ne se déclarent pas en résidence principale en France devront conserver leur plaques suisses et devront assurer leur véhicule en conséquence.
D’autres phénomènes, moins visibles et immédiats mais tout aussi réels doivent être pris en compte :
- la recherche d’emploi : certaines entreprise pratiquent le dumping salarial, et paient les frontaliers moins chers que les résidents. Être frontalier quand on est suisse peut donc avoir un impact direct sur l’évolution du pouvoir d’achat dans ce cas.
- le problème d’être assimilé à un français : je pense que beaucoup de Suisses ne souhaitent pas se déclarer en résidence principale à cause d’un simple problème de perte d’identité nationale : on sait les Suisses très fier de leur pays et de leur origine, et le fait d’être assimilé à un Français est, pour certain, relativement difficile à supporter.
- les démarches administratives : on peut également supposer que les démarches administratives en France pourraient en effrayer certains.
Alors si on fait le bilan, je dirais que globalement, sur le plan financier, les Suisses qui ne se déclarent pas en résidence principale sont plutôt perdants par rapport à une situation où ils se déclareraient. Et c’est encore pire si on tient compte d’une éventuelle revente du bien à terme pour les propriétaires : en France, les plus-values immobilières sont taxées pour les résidences secondaires, pas pour les résidences principales…
Du coup, je pense que la raison n’est pas du domaine du rationnel, mais est lié à l’attachement que les Suisses ont à leur pays et à leur identité nationale. Alors conserver son véhicule en plaque n’a finalement pas de prix…
Et vous, êtes-vous dans cette situation ? Qu’elle est votre point de vue ?
David Talerman says
Commentaire du Groupement transfrontalier européen qui souhaite à juste titre apporter un complément sur le sujet des allocations familiales pour les frontaliers :
« si les deux personnes du couple travaillent à Genève, c’est la Suisse qui est compétente en matière d’alloc et les personnes continuent à percevoir les allocations en Suisse. Si la France devait verser plus d’allocations, elle versera un complément différentiel au couple. Si par contre, une personne travaille en Suisse et l’autre travaille en France ou est au chômage, en congé parental, en maladie, … , c’est la France qui va ouvrir les droits aux allocations et ensuite la Suisse versera un complément différentiel si elle devait verser plus que la France. »
Donc en fait, c’est un système idéal pour les frontaliers, puisqu’ils touchent toujours le meilleur des deux systèmes. »
Webulon says
Bonjour,
La principale cause de la non déclaration en France est la LAMAL. Pour un retraité comme moi qui s’enregistre en France, la Lamal est plus chère et on est remboursé selon la Secu. Donc complémentaire indispensable, mais essayez donc d’en trouver une à 65 ans et + !
Problème aussi avec les régies qui ne favorisent pas les échanges d’appartement. Nous avons un 4 p. avec jardin trop grand pour nous et impossible de trouver un 3p. moins cher alors que ce serait bien pour des familles.
Merci de m’avoir lu.
Anonyme says
Tout d’abord merci pour votre blog et pour la qualité de votre analyse sur le sujet des « fraudeurs » Suisses. La totalité des journalistes ayant traité le sujet n’a instruit le dossier qu’à charge, bien en phase il est vrai avec l’état d’esprit prévalant actuellement entre la France et la Suisse.
Oui, je fais partie de ces sales Suisses qui « profitent » et vis cette cabale avec beaucoup de perplexité et d’amertume. Je ne me sens aucunement fraudeur, je vis en France, y dépense une bonne partie de mon salaire entre autre pour manger, m’habiller, rénover ma maison, ou entretenir ma voiture même si elle a des plaques suisses….
J’y paye aussi des impôts via les taxes d’habitations et foncières, ce qui est normal. Aucun reportage ne mentionne jamais ce fait d’ailleurs….
La différence pour être un fraudeur ? L es quelques 1000 euros de rétrocession annuelle qui ne sont pas reversés par Genève dans les caisses de ma commune ?
Certes, mais en contrepartie, je ne peux me prévaloir d’aucun remboursement fiscal par exemple pour des charges d’aide à domicile, ou de crédit d’impôt pour l’amélioration thermique de ma maison . Tout bien calculé, je ne suis pas sûr que l’Etat français soit perdant…
Objectivement, ça ressemble à une tempête dans un verre d’eau, au regard de la grande et belle dynamique existant dans notre région. Certains maires orchestrant cette polémique devraient peut-être regarder par l’autre bout de la lorgnette!
S’agissant de mes motivations à ne pas me domicilier en France : en premier un problème d’assurance maladie. Ayant eu un problème de santé il y a quelques années, aucune assurance complémentaire française n’a même daigné répondre à ma demande d’affiliation. Mon assurance en Suisse en profitait elle pour doubler notre prime, pour les mêmes prestations.
Vous avez aussi raison d’évoquer la notion de racines : je me sens très profondément ancré à notre région, sans limitation de frontière. Je pense ne pas être le seul à ressentir un bel enthousiasme pour le développement du « grand-Genève » et j’ai l’impression d’y participer pleinement, entre autre par mon emploi à Genève qui me donne une certaine aisance économique dont je fais profiter l’endroit où je vis. Mais il me manque en revanche et cruellement, un vrai projet culturel qui pourrait certainement souder nos communautés. Tout est bon d’un côté comme de l’autre pour fustiger le « profiteur » ce qui donne la mesure du chemin à parcourir pour dépasser le chacun chez soi !
Très attaché au fédéralisme, Je pense que la région Franco Genevoise ne peut exister que si l’Etat français la reconnait comme telle, avec ses particularités. On voit par exemple avec le dossier de l’assurance maladie qu’on est loin du compte là aussi.
Vivre ensemble est complexe, et il n’y a pas beaucoup d’exemple comme le notre nous devons nous dépasser pour tout inventer.
Mais dans un couple, quand on commence à parler d’argent, c’est souvent le début de la fin….Ce serait dommage !
Marc , Cruseilles
David Talerman says
Bonjour Marc,
Un grand merci d’avoir pris le temps de répondre avec tant d’explications.
Vos motivations sont très intéressantes et je persiste à dire que nous autres Français ne connaitrons jamais assez nos voisins… Au plaisir de vous revoir sur ce blog.
Yves Gallard says
@ Marc,
Pour instruire un dossier à décharge sur les « fraudeurs » suisses, je vous propose de me contacter pour recueillir votre témoignage (anonyme) dans nos colonnes.
Cordialement,
Yves Gallard
journaliste Le Messager – Annemasse
ygallard@lemessager.fr
Vespasiennes says
Vous ne dure pas tout monsieur car vous ne payez pas toutes les taxes dues notamment la redevance tv
Vous dépenser en France pour car vous êtes un profiteur et vous ne participez pas a votre économie suiise
J invite tous les français a dénoncer les suisses fraudeur
Sachez monsieur que pour un village , même 1000 francs c est beaucoup
Alors mettez vous en règle ou dehors
David Talerman says
Je n’approuve pas le ton utilisé, un peu trop violent à mon goût, mais je publie pour la liberté d’expression…
Ulysse says
Bonjour,
J’ai lu avec intérêt votre article et pense que la raison majeure de ce choix réside dans la possibilité de bénéficier des 2 systèmes économiques :
– Le système social suisse aussi motivé par la volonté d’appartenance ethnique originelle.
– Le marché immobilier français beaucoup plus abordable que son homologue helvete déphasé par le haut à cause des fortunes considérables detachées de toutes contingences matérielles qui s’installent en bordure du Léman.
Ces éléments caractérisent ce nouvel espace en une forme déconcertante et drôle : une zone frontalière qui fait que les gens ordinaires sont compressés par un niveau de vie augmenté sans cesse par des classes dominantes… Rappelons le fait majeur que ces classes dirigeantes ne sont nullement touchées par les arbitrages de consommation constants qui constituent la vie des classes moyennes et populaires… Ces bulles immobilières finiront hélas un jour par éclater aussi…
Ruiz Geneviève says
Bonjour,
Je suis à la recherche de personnes suisses / binationales qui ont déménagé de Genève pour habiter en France voisine. Il s’agit de témoigner de son expérience et parler des divers ennuis et tracas administratifs que cette situation peut générer. Les personnes intéressées peuvent me contacter par email: genevieve@largenetwork.com. L’article paraîtra dans le magazine suisse l’Hebdo.
Merci!
sebastien says
Bonjour David,
Je ne sais pas où écrire ma question alors je le fais ici (j’avais écrit il y a 2 jours sur le blog, mais mon commentaire semble n’être jamais apparu ?).
Je suis en passe d’être recruté par une entreprise suisse (canton de Vaud). Mon job serait technico-commercial pour la zone Europe. De ce fait, cet employeur me propose de rester basé en France en home office (je suis dans le Poitou-Charentes, qui n’est pas vraiment proche de la Suisse).
J’ai cru comprends que je pouvais avoir le statut frontalier, et donc le permis G. Confirmez-vous ?
Faudrait-il sinon, louer ne serait-ce qu’un petit meublé là-bas pour justifier de ce statut ?
Cela ne s’apparente cependant ni au retour journalier ni à la semaine, puisqu’en en fait, je serais assez rarement en Suisse.
De ce fait, quel serait le régime des impôts ?
Concernant la couverture sociale, il me resterait à choisir entre CMU et LAMAL, étant donné tout ce qui se passe en ce moment. Comme je vivrai principalement en France, la CMU + mutuelle est peut être plus avantageuse.
Merci beaucoup pour votre avis éclairé et votre aide.
Cordialement.
Sébastien.
David Talerman says
Bonjour Sébastien,
Dans votre situation, ce qui pose problème potentiellement ne sont pas tant les impôts que les assurance sociales. Dans votre cas, bien qu’ayant un employeur suisse et un contrat de droit suisse, le droit communautaire prévaut et vous serez soumis aux assurances sociales françaises, ce qui signifie que votre employeur suisse va devoir payer les cotisations sociales en France (c’est possible et étonnant et pas mal d’entreprises suisses ne sont pas au courant). Il faut qu’il en soit conscient, car cela augmente les charges de manière significatives. La question de la CMU ne se pose donc pas pour vous.
Pour les impôts, si on suit la même logique, vous les paierez en France. Je vais me renseigner pour confirmer mais je suis pratiquement sûr. Dans quel canton est implanté votre futur employeur ?
Marcel Lahaie says
Bonjour,
Je suis suisse pour des raisons financière j’habite en france mais je ne suis pas déclaré, j’ai recu un courrier de l’état français me demandant ma declaration de revenu, que faire, quel risque ?
Merci pour votre aide.
David Talerman says
Bonjour Marcel,
Le risque dépend surtout de votre situation : si vous êtes prélevé à la source et que vous devez normalement payer vos impôts en Suisse (comme les frontaliers du canton de Genève par exemple), le risque reste limité dans la mesure où votre seul défaut aura été de ne pas faire de déclaration. Dans les autres cas, c’est à mon sens plus problématique. Je pense qu’il pourrait être « utile » de prendre les conseils d’une fiduciaire spécialisée (je peux vous recommander sur Genève la fiduciaire de la Corraterie).
Olivier says
Bonjour,
Ma question est très simple, si je décide de remettre une adresse en Suisse et de rester en France comme résidence secondaire. Quels sont les risques du côté français ?
Merci d’avance pour votre réponse.
David Talerman says
Bonjour Olivier,
De quels risques voulez-vous que je parle : impôts, assurances sociales, autres ?
Olivier says
Je parle des risques au niveau douane, assurances sociales je serai assuré en Suisse de toute façon, les impôts je serai imposé à Genève.
Paula says
Bonjours,
J’aimerais savoir pour les permis C suisse quels sont les risques d’habiter en France sans être déclaré?
Merci.
Auraqua says
Nous pensons peut être acheter ou construire en France tout en laissant nos papier en Suisse, la raison, avec nos petits salaires les logements deviennent hors de prix, l’idée d’avoir une maison impensable.
Pour ce qui est de rester Suisse, tout simplement continuer à profiter des structures d’acceuil pour nos enfants ainsi que la possibilité de les scolariser en Suisse (pourquoi un couple de Français pourrait etre enseignant dans la meme ecole en Suisse si nous nous ne pouvons y mettre nos enfants?)
De toutes facons nos enfants travaillerons sûrement en Suisse autant qu’ils y fassent leur formations.
De toutes façons peu importe le débat il y aura toujours des critiques.
David Talerman says
Bien résumé ! Merci Auraqua pour votre commentaire.
teasag says
Bonsoir!
je désire m’installer sur neuchatel en 2016 avec un permis B de résidant,je suis actuellement proprietaire d’un appart près de la frontiere en france que je souhaite une fois résidant suisse mettre en résidence secondaire:
Dois je le déclarer à l’administration fiscale en suisse et quel en sera les conséquences au niveau des impots ?
Avec un permis B,je suis imposé à la source,dois je payer aussi l’impot fédéral?
David Talerman says
Bonjour,
Vous devrez déclarer en effet vos biens immobiliers détenus à l’étranger. Vous paierez alors un impôt sur ce bien. Je vous invite à vous renseigner auprès de l’Office cantonal pour plus de détails.
L’impôt que vous allez payer en tant que résident inclut l’impôt fédéral, l’impôt cantonal et l’impôt communal. Plus d’informations sur les impôts en Suisse.
Bonne journée
Solyman says
Bonjour
Comment reconnaître un fraudeur Suisse?
Merci
David Talerman says
Bonjour,
Si je comprends la question, je pense qu’un véhicule immatriculé en Suisse est garé dans la propriété ou à proximité peut être un critère sans que ce soit systématique. Pour le reste, difficile de savoir !
Henriette says
Bonjour et merci pour ce post.
Nous sommes dans le processus de déménager en France (a partir de Genève) et nous avions au début adopté la même stratégie décrite dans votre post.
Qu’en est-il de régler sa situation en France (en se décalarant en résidence principale) et de garder un pied a terre a Genève et le déclarer en résidence secondaire ?
Quelles formalités auprés de l’office des populations et des autorités / douanes francaises ? Quel impact sur les impots ?
Merci d’avance
David Talerman says
Bonjour Henriette,
La problématique est ici principalement fiscale. Il faudrait probablement prendre conseil auprès d’un spécialiste qui connait bien la Suisse et la France sur le plan des impôts. Nous avons un partenaire qui peut s’en charger et que vous trouverez ici.