On dit souvent que le marché du travail en Suisse possède un fonctionnement très libéral. On sait très bien qu’il est beaucoup plus facile d’embaucher en Suisse qu’en France, aussi parce qu’il est plus facile de licencier, mais il y a également des raisons culturelles. Si la Suisse connait le plein emploi depuis plus de 10 ans (i.e. un taux de chômage inférieur à 5%), ce n’est sûrement pas par hasard. D’ailleurs, tous les européens qui travaillent en Suisse vous le diront : la mentalité, la culture du travail et la façon dont les gens l’abordent sont ici bien différentes de ce qu’on peut trouver en France par exemple.
Il m’est récemment arrivé une petite expérience qui, je trouve, illustre très bien le propos :
J’ai récemment souhaité confier à un jeune diplômé ou stagiaire une tâche informatique à valeur ajoutée, en relation avec mon site Travailler-en-Suisse.CH. Sans rentrer dans le détail , je peux juste indiquer qu’elle était techniquement intéressante, et rémunérée correctement.
Armé de quelques éléments descriptifs du cahier de charge, je décide de contacter par téléphone différentes écoles d’ingénieurs en informatique, en France et en Suisse.
Morceaux choisis :
En France, avec le responsable des stages d’une école :
« Mais Monsieur, ça ne sert à rien de nous écrire, vous savez nos étudiants sont très sollicités, par des entreprises prestigieuses, alors votre site vous savez (silence géné). De toute façon ça n’intéressera personne ! »
En France, deuxième école, toujours avec le resonsable des stages :
« Votre projet semble effectivement intéressant, il pourrait intéresser des étudiants en deuxième anné. »
Moi : « Parfait ! Il faut tout de même que vous sachiez que je ne suis pas une entreprise, mais un particulier auteur. Cela pose-t-il un problème ? »
Lui (silence) : « Ah mais dans ces conditions ce n’est pas possible ! Ce n’est pas du tout prévu par les conventions de stage « (pour nos amis lecteurs suisses et étrangers, une convention de stage est en France une sorte de contrat qui régit les relations et obligations entre l’étudiant et l’entreprise).
Et ainsi de suite avec les autres écoles en France.
En Suisse : après avoir appelé une école, je suis mis en contact avec une plateforme de mise en relation des stages proposés par les entreprises et les stagiaires (Business2School). Après discussion avec le responsable de la plateforme, à qui j’ai indiqué préalablement le projet, je lui demande si cela posait un problème que sois un particulier.
Lui: « Vous savez Monsieur, vous avez un projet intéressant, un besoin, nous, nous avons des étudiants qui recherchent des stages et des expérience professionnelles. On ne va tout de même pas s’encombrer avec des formalités et des détails… »
Cet exemple vécu est éloquent : déjà à la sortie des écoles, on constate une différence significative dans la façon d’aborder le travail : en France, on a plutôt vu les contraintes et les impossibilités, en Suisse on a été plus souple. Cette constatation amène des réflexions plus philosophiques du type : « Quel pays est le plus gagnant au final ? » ou « La Suisse ne tue-t-elle pas son marché en permettant ce type de contrats ? » etc…
Moi, ce que je vois, du côté Suisse c’est du pragmatisme : il y a besoin d’un côté, une demande de l’autre, on comble l’écart le plus rapidement possible, sans obstacles techniques ou législatifs, et tout le monde y trouve son compte.
Et de quoi pensez-vous que le monde des affaire ait besoin : de pragmatisme ou d’obstacles ? La réponse est dans la question…
CARRE says
Il suffisait de dire que vous aviez une entreprise et ça aurait marché en France. J’ai moi-même fait un stage dans une entreprise unipersonnelle, donc c’est possible.
Sur les relations université-industrie je n’ai pas de recul pour la France mais il est possible que ce soit moins trivial en France. J’ai moi-même, en tant que chef de projet, sous-traité des sous-projets à l’université (en fait une HES). Ca a merveilleusement bien fonctionné mis à par quelques lenteurs administratives côté HES.
Frederic says
On ne va tout de même pas s’encombrer avec des formalités et des détails…
Incroyable çà…..
La convention n’est pas la pour faire obstacle mais belle est bien cadrer le stagiaire et poser des règles et conditions pour SON propre interet ce n’est pas « un détail » quelle légerté ….
La convention : Elle se doit de définir les conditions du stage, sa durée, sa rémunération, la couverture sociale du stagiaire, etc.
David Talerman says
Bonjour Frédéric,
Pour être à l’origine de la demande, je vous garantie que le champ était plus que déterminé, tout comme la rémunération. Après, et c’est un peu ce que j’évoque en fin de billet, ce n’est pas forcément idéal, c’est exact. Mais au moins ça avance !
Pour remettre un peu de perspective, en Suisse il est possible de travailler sans contrat de travail (même si je ne le recommande pas). Disons que ce n’est pas tout à fait la même manière de voir les choses…
Yohann says
Vous dites « sans obstacles […] législatifs »
Je ne pense pas que le contournement, ou l’absence, de la législation est réellement si profitable.
Dans le contexte, il vous a bien arrangé, évidement, d’autant que les citations des écoles française les font passer pour des rabat-joie. Hors contexte vous avez conclu un marché sans règle, et à plus grande échelle ce genre de marché pourrait être risqué pour les deux partis.
Ce qui fonctionne à petite échelle (administration suisse) pourrait ne pas avoir les mêmes effet à plus grande. (administration française)
Évidement, trop de règle aurai également un effet néfaste.
David Talerman says
Bonjour Yohann,
Je pense que les école françaises ont un cadre légal qui rend difficile toute discussion sur ce point. Soit elles sont « dans la loi », soit elles sont « hors la loi ». En revanche, ce qui m’a le plus choqué, c’est notamment dans le 1er cas ce côté très condescendant.
Pour ce qui concerne des effets sur l’administration en France, je vous rejoins dans votre réflexion, car on se heurte ici à la problématique des syndicats français.
Frederic says
Et de quoi pensez-vous que le monde des affaire ait besoin : de pragmatisme ou d’obstacles ? La réponse est dans la question…
Bonjour
tout dépend simplement du tissu économique :
Du pragmatisme pour les PME et PMI
Et un code du travail et très réglementer puissant pour les Multinational
Mon frère travaille dans un grand groupe en suisse (un Fleuron) et résident suisse, il est outré de voir avec quelle vitesse et avec qu’elle mépris ses collègues sont renvoyés pour n’importe quelle raison non valable, je pense pas que cela soit anecdotique et une véritable avancé. Je ne considère pas cela comme du pragmatisme malheureusement.
David Talerman says
Bonjour Frédéric,
Il serait, à mon sens, très choquant de prévoir des lois et un code du travail différent selon la taille de l’entreprise.
Je pense que pour un américain ou un canadien, le droit du travail suisse pourrait paraître protecteur…
frederic says
bonjour
Oui c’est vrai la comparaison n’ai pas fausse, chacun filtre avec son expérience et sa culture. Mais je reste sur l’idée d’un code adapté au status de l’entreprise. On n’a absolument pas les mêmes contraintes économiques et techniques entre une PME et une multinational. La dimension humaine, les marchés, le fonctionnement et tellement différent pourquoi faire un moule unique , le personnaliser de manière pyramidale me parait plus judicieux ….. limiter l’expension trop importante d’une entreprise par des contraintes empêche aussi qu’elle cannibalise les autres et permet une concurrence « plus juste » en stoppant les monopoles, peu créateurs d’emploi finalement.