En Suisse et en France, cela fait plusieurs années que les autorités se penchent sur un problème jugé sérieux : les différences de salaire entre hommes et femmes. Ce qui est étonnant avec ce sujet, c’est que malgré des textes de loi et une égalité inscrite dans la Constitution pour les 2 pays, il subsiste encore des inégalités très importantes.
Ces quelques chiffres suffisent à montrer à quel point les différences sont importantes :
Différence de salaire Hommes / Femmes | Suisse | France |
---|---|---|
Cadres | entre 18,2 et 26,5% (selon les secteurs) | 27% |
Non cadres | entre 12,8% et 15,9% (selon les secteurs) | 5,7% |
Total | 19,1% | 27% |
Ecarts salariaux dus à des facteurs inexpliqués | 40% du salaire des femmes | 7% de la différence salariale hommes - femmes |
En Suisse, le travail et la condition des femmes ont été pendant très longtemps peu considérés
Dans les deux pays, les statistiques mettent en avant des critères subjectifs et irrationnels, qui représente tout de même 40 % de la différence de salaire entre hommes et femmes en Suisse. Pendant longtemps, tout le monde a été d’accord pour dire que le travail des femmes était secondaire, et représentait une sorte de salaire d’appoint dans le ménage, le plus important étant apporté par l’homme. C’est en réaction à la déclaration de l’ONU de 1948 (« le droit à un salaire égal pour un travail égal » inscrit dans les droits de l’Homme) que la question de l’inégalité salariale revient dans le débat publique. Mais malgré tout, le Conseil fédéral recommande en 1952 de ne pas signer la convention de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Elle sera finalement ratifiée en 1973, mais ne pourra être appliquée que pour l’administration fédérale.
Une répartition des tâches ménagères qui a un impact direct sur la progression professionnelle et le salaire
En France, les taches domestiques sont à la charge de 80 % des femmes (voir étude de l’INED de novembre 2009). En Suisse, selon la structure familiale (couple avec ou sans enfant), ce pourcentage varie entre 62 et 81% selon l’étude « Vers l’inégalité entre femmes et hommes » de l’Office fédéral de la Statistique. En Suisse, les études montrent qu’en 10 ans, les hommes ont pris davantage de responsabilités dans les tâches, notamment lorsqu’il n’y a pas d’enfant. La tendance est donc dans le bon sens pour les femmes, mais la différence reste encore très importante.
Et les lois dans tout ça ?
En France comme en Suisse, il y a la Constitution et des lois qui traitent les inégalités.
D’après l’article 8 sur l’égalité de la Constitution suisse, « L’homme et la femme ont droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale« . Côté français, c’est l’article 3 qui stipule que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme« .
En Suisse, la loi sur l’égalité du 1er juillet 1996 interdit, en principe, toute discrimination. En France, la loi du 23 mars 2006 oblige les entreprises d’une certaine taille à mettre en place les mesures anti discriminatoire. À ce jour, seuls 220 entreprises ont signé un accord d’égalité professionnelle. Dans les deux cas, il semble bien difficile pour les femmes de faire valoir des différences.
En Suisse la première plainte pour discrimination salariale a été déposée en 1977 par une institutrice du canton de Neuchâtel. Il a fallu attendre 1981 pour que les femmes du secteur privé puisse déposer une plainte pour discrimination salariale. Mais c’est seulement en 1985, dans le canton de St-Gall, qu’une plaignante du privé obtient gain de cause pour des discriminations.
Un logiciel mis en place par les autorités suisses pour mettre en avant les différences salariales, y compris dans les PME
En Suisse la mise en place par les autorités fédérale, d’un logiciel téléchargeable gratuitement par les entreprises (Logib), permet facilement aux entreprises de plus de 50 salariés de vérifier les différences de salaires entre les 2 sexes. En particulier, ce logiciel, très simple d’utilisation, permet de dire aux responsables des ressources humaines si les différences de salaires sont liée à des questions de qualifications ou au poste occupé. Une fois cette analyse faite, si l’entreprise n’est pas capable d’expliquer les différences de salaires, alors c’est qu’il y a un risque de discrimination.
Le logiciel intéresse d’ailleurs quelques pays de l’Union européenne. En France, ce sont, une fois de plus, les employées des grandes entreprises qui vont bénéficier des mesures de réduction d’écart. Alors alors que ce sont probablement celles qui en ont le moins besoin, les salaires dans les PME étant plus faibles.
Les calculateurs officiels de salaires
Des calculateurs officiels de salaires, mis en place par les autorités fédérales et certains syndicats, permettent de mesure les différences salariales entre hommes et femmes. En particulier, il y a un point que je trouve extrêmement choquant, mais très révélateur, c’est que pour connaître le salaire auquel vous pourriez prétendre en Suisse, il faut saisir des informations relatives à votre formation, votre expérience… et votre sexe. L’outil résume bien le problème. Consultez la liste des principaux calculateurs officiels de salaires en Suisse.
Le rôle des syndicats en France et en Suisse
En France, les syndicats ont pour ainsi dire abandonné le terrain des différences de salaire entre hommes et femmes. Ce qui est très étonnant, car ayant la loi et la Constitution pour eux, il semble plus facile de revendiquer dans cette configuration. Par ailleurs, les syndicats français faisant grand bruit en ce moment sur les retraites, et sur les problèmes que la réforme va poser aux femmes (elles seront les plus impactées), on peut se demander pourquoi ils n’ont, jusqu’à présent, pas fait grand chose, les problèmes des retraites pour les femmes n’étant que le reflet accentué des inégalités salariales dont elles sont victimes depuis toujours. Bref, une bien belle hypocrisie en France sur ce point.
En Suisse, les syndicats n’ont, jusque dans les années 30, pas franchement revendiqué pour l’égalité de salaire des femmes, mais étaient plutôt occupés à se battre pour l’amélioration des conditions des hommes. Leur vraie prise de conscience semble commencer vers le milieu des années 90, avec une intensification dès le début des années 2000, avec notamment la mise en place du projet pour la promotion sur l’égalité des salaire par l’Union syndicale suisse. Les syndicats suisses accompagnent par ailleurs régulièrement leurs membres dans leurs démarches au Prud’hommes.
Avec un gouvernement suisse à majorité féminine, espérons qu’à l’avenir les lois soient respectées. En France, d’après les spécialistes, il semblerait que cette inégalité ne soit pas prête de se réduire.
Et vous ? Comment cela se passe-t-il dans votre foyer et dans votre entreprise ?
Ressources complémentaires à lire :
- En Suisse : Bureau fédéral de l’égalité entre hommes et femmes (voir notamment les documents sur l’histoire de l’égalité salariale, très intéressants).
- En France : l’Observatoire des inégalités
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Demido says
Mouais, je pense que ça va se résorber avec le temps. Des lois sont inutiles dans des cas comme ça. Voyez avec la politique:
Présidente de la confédération -> femme
Présidente du conseil national-> femme
Présidente du conseil des états-> femme
Chancelière de la confédération -> femme
Conseil fédéral -> majorité de femmes
Et ceci sans aucune lois…
Si les femmes veulent l’égalité ok. Alors retraite à 65 ans et armée obligatoire…
athena says
Et bien cela se passe de commentaires : une réaction sur votre article, et une réflexion bas de plafond d’un individu de sexe masculin qui prouve les abysses du cerveau en question sur le sujet. Puisque qu’une majorité est à son niveau du dessous des eaux, on comprends aisément que non la connerie ne se résorbe pas d’elle-même.
Pour ma part, entre discriminations dûes au fait d’avoir dès 30 ans potentiellement des enfants, même sans compagnon, j’ai pu mesurer que les embauches ne se font pas,
par la suite, en cas de grossesse, elles ne se font pas mieux – ai été licenciée parce qu’enceinte..et ai gagné aux prud’hommes quelques pauvres mois de salaire qui n’auraient été de rien face à la situation sans aide familiale qui aurait été la mienne si mon mari n’avait pas été présent -…mais il y a des femmes moins bien loties et elles deviennent précaires et sans crèches qui sont réservées aux femmes qui travaillent..!!!!
je précise tt de mm que j’ai deux diplômes de très haut niveau équivalent masters en suisse et plus d’une dizaine d’années de missions de conseil aux entreprises et aux collectivités à mon actif, profil public et privé, dc bien un profil cadre depuis le début.
ayant envoyé un courrier au sénat français à l’occasion de l’incomplète et inefficace réforme d’un système des retraites obsolète qui était basé sur une cavalerie démographique qui n’est plus, je n’ai eu de réponses que des deux sénatrices contactées : les seules qui travaillent visiblement ou daignent prendre une lettre au sérieux !
bref, tant que les hommes auront encore et toujours le loisir de fonctionner entre eux, de se coopter, de prendre le pouvoir financier ET sur leurs salariées ET sur leurs épouses, sans scrupules de ne pas leur concéder les contreparties à la hauteur de ce qu’elles amènent comme valeurs en tous genres au travail et à la maison, en les laissant aussi s’enferrer dans les corvées domestiques sans broncher, rien ne changera : les femmes seront lessivées, dégoûtées de cette société qui les contraint encore et toujours et les maintiens sous cloche quoi qu’on en dise, et divorceront dès que possible avec tout ce que cela engendre de négatif pour une famille. Celles qui ne le peuvent pas détesteront celui qui les prive de leur liberté et partiront pour celui qui la leur redonne et qui les respecte – ex : cécilia sarkozy )
et l’injustice dominera encore et toujours leur genre, parce qu’en face les hommes en seront encore à chercher à avoir le beurre et l’argent du beurre en préservant leurs situations avant tout.
c’est bien ce que montrent ces chiffres qui ne changent pas, parce que rien ne change vraiment.
la burka reste/restera sociétale, parce que cela arrange bien la majorité des hommes qui ont le pouvoir économique en premier : effectivement le seul espoir des femmes devient un pouvoir politique qui pourrait user enfin de réels moyens de répressions économiques et d’aides domestiques à propos des modes de garde encore inexistants ou inabordables.
nos sociétés ne sont pas égalitaires, au regard des pays nordiques qui oeuvrent eux réellement paritairement pour arriver à un modèle pacifié dans le couple et dans l’économie, avec des lois et des moyens en ce sens.
chez nous, des femmes non épanouies de toute part continuerons à en vouloir à très juste titre aux hommes qui ne veulent pas en faire leurs égales et les respecter en les traitant à égalité avec les leurs, qu’ils en payent donc aussi à un moment les conséquences n’est que justice et de leur responsabilité.
chaque fois que vous refusez de donner à une femme ce qu’elle mérite bien souvent, à savoir d’être récompensée pour ses actes ou ses résultats à la mm hauteur qu’un homme, dites-vous bien que c’est VOUS qui provoquez par rebonds le malheur des enfants, et des pères divorcés, et que cela vous guette aussi parce que sans partenariats équilibrés, c’est la révolte qui est semée.
David Talerman says
@athena : un vrai commentaire ! Attention toutefois, tous les hommes ne sont pas ainsi, et heureusement. Ce qui est clair, c’est que ce n’est pas facile pour les femmes, et encore moins pour les femmes célibataires avec enfant. Et puis ne dit-on pas que derrière chaque grand homme se cache une grande femme ? (ou quelque chose du même goût)
Jean-Pierre says
Il y bien entendu des critères irrationnels qui crée la différence de salaire entre hommes et femmes. Cependant, de réelles différences existent aux yeux des entreprises et je ne pense pas qu’il s’agisse d’un sexisme aveugle. L’état doit par contre veiller à assurer des traitements équitables aux deux gendre et, par exemple, pourvoir à des indemnités de grosses, etc. : http://www.isegoria.org/actualite-societe-politique/femmes-sciences-humaines-hommes-sciences-exactes/
Christian says
Manipulation des statistiques avec erreurs, dommage ça perd en crédibilité alors qu’il n’y en avait pas besoin.
La différence moyenne entre les salaires des hommes et des femmes en Suisse est de 24%. Dans ce chiffre 60% sont justifiés (niveau de formation, facteurs liés aux postes occupés…), 40% ne le sont pas et peuvent donc être attribués au sexe. La différence réelle due à une ségrégation est donc de 24*40/100=9,6% … ça fait loin des 19,1% au total cité dans votre article.
Référence : « Vers l’égalité des salaires! », OFS Berne 2009, 19 pages ( http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/20/22/publ.html?publicationID=3621 ).
La constitution contient aussi des articles dédiés à l’égalité au travail: RS 151.1, Loi fédérale sur l’égalité entre les femmes et les hommes dont une grande partie est dédiée au travail: http://www.admin.ch/ch/f/rs/151_1/index.html
D’autres facteurs devraient aussi être pris en compte comme l’âge inférieur de la retraite pour les femmes (65 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes depuis 2005), l’obligation du service militaire pour les hommes et taxe obligatoire s’ils font le service civile ou la protection civile. Le service militaire ou un équivalent entraine aussi une absence au travail.
David Talerman says
Bonjour Christian,
C’est une précision que j’avais déjà mentionné dans un autre article, mais vous avez raison de le préciser.
Quant à parler de manipulation…
Ca reste toutefois beaucoup, vous ne trouvez pas ?