Personne n’a pu passer à côté de la période de grève qui sévit en France ces derniers mois. Je ne compte plus les remarques de mes amis suisses, une occasion en or de se moquer gentiment (ou moins parfois) de nous. Alors j’ai creusé un peu le sujet et me suis demandé ce qu’il se passait en Suisse sur le sujet des grèves.
J’ai analysé il y a quelques années le nombre de jours de grèves en Suisse et en France, et c’était plutôt à l’avantage de la Suisse. Une étude allemande récente donne d’autres résultats, encore plus marqués.
En Suisse, 1 jour de grève pour 1000 actifs sur un an, contre 139 en France
Selon l’étude de Boeckler de l’institut allemand WSI, qui a analysé entre 2005 et 2012 le nombre de jours de travail perdus à faire la grève rapporté au nombre d’actifs (ce qui permet au passage de comparer l’intensité de la grève indépendamment de la taille de la population active), la Suisse n’est ni plus ni moins que la nation européenne qui fait le moins la grève, avec 1 seule journée de travail perdue par année pour 1000 actifs suite à un mouvement de grève. En France, tenez-vous bien, on parle de 139 jours perdus pour 1000 actifs.
L’impact des grèves sur le PIB est 5 fois plus important en France qu’en Suisse
Si on rapporte tout ceci à la population active et au nombre de jours, on a donc le tableau suivant :
PIB (en milliards de dollars) | Nb d'actifs | jours de grève pour 1000 actifs | jours de grève (total) | PIB moyen / actif (en dollars) | PIB perdu à cause des grèves (moyenne en millions de dollars) |
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Suisse | 685,4 | 5,015 millions | 1 | 5015 | 136 670 | 685,4 (0,1% du PIB) |
France | 2 806 | 25,8 millions | 139 | 3 586 200 | 108 760 | 15 117 (0.53% du PIB) |
En résumé, les grèves font perdre à la Suisse l’équivalent de 685 millions de dollars par an en moyenne. En France, les grèves coûtent plus de 15 milliards au PIB. Dit autrement, les grèves pèsent plus de 5 fois plus sur le PIB français que les grèves sur le PIB suisse (le coût des grèves représente respectivement 0,5% et 0,1% du PIB aux pays respectifs).
Le classement des pays européens sur le critère de la grève
Consultez un résumé de l’étude ici. La Suisse est 1ère, la France en dernière position.
Conclusion
La Suisse reste fidèle à sa réputation. Compte tenu du PIB moyen généré par chaque actif (25% plus important côté Suisse que côté France), il est effectivement préférable qu’il n’y ait pas trop de grève, car chaque jour de grève coûte du coup 25% plus cher qu’en France. Ceci dit, vu les proportions, même avec 25% de plus, la Suisse a encore une marge confortable…
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BERGER says
En chiffres l’analyse est intéressante, mais peut-on vraiment comparer ?
Le droit de grève est une forme de manifestation démocratique et meme si les Suisses se gaussent encore une fois, il faudrait rappeler les avancées sociales que la France a obtenu par ce moyen, critiquable ou non. Je ne suis pas sure qu’au niveau social, la Suisse soit un modèle. Le droit de grève et celui de manifester ne sont-ils pas la démonstration de la bonne santé d’une société, malgré leur impact sur le PIB ? Toujours le PIB, n’y a-t-il pas d’autres données à prendre en compte ? Cela me semble assez limitatif. Il existe aussi le bonheur national brut. Finalement, ces comparaisons entre la Suisse et la France sont usantes. Et doit-on sempiternellement justifier ce qui se passe dans la patrie des droits de l’homme ?
David Talerman says
Bonjour,
Personne ne critique les avancées sociales passées, obtenues il y a… 40 ans. Le monde a changé, et le modèle syndical français est juste obsolète et contre-productif (d’ailleurs, l’âge moyen des syndicalistes à la CGT est de plus de 50 ans (info non vérifiée mais lue sur le Monde). Je pense que cela explique pas mal de choses.
Pour ce qui et du modèle suisse, il y a effectivement des gens sur le bas côté, mais à mon sens beaucoup moins qu’en France en proportion. Plutôt d’accord avec vous sur le fait que le PIB n’est pas le seul critère à prendre en compte.
Bernard says
Il est fort étonnant que vous parliez du bonheur national brut et que la France soit au 25e rang et la suisse au 3e. De plus, je trouve particulièrement choquant que vous vous gaussiez sur les droits de l’homme avec un pays qui se trouve être constamment en guerre et en conflit perpétuel . Alors que la Suisse n’en a pas connu depuis plus de 300 ans.
Bernard says
La grève est un des seuls moyens, si ce n’est le seul pour qu’un citoyen français puisse exprimer son désaccord politique. Et cela ne change malheureusement pas grand-chose avec le 49.3 trop souvent sorti par les politiques élus.
Je ne crois pas que les Suisses se gaussent de ne pas être en grève, c’est le seul pays ayant une démocratie directe dans la CE. Il est fort dommage que les peuples européens ne soient pas questionnés sur des faits de société plus régulièrement. Sauf si les politiques ont le sentiment de perdre un pouvoir décisionnel qu’ils n’auraient plus. Et à mon avis, le problème est là.
David Talerman says
Tout à fait d’accord. Seulement, les politiques actuels n’ont aucun intérêt à donner ce pouvoir au peuple, car cela leur ferait précisément perdre le pouvoir.
Bernard says
Il serait tant que cette oligarchie tombe et que ce soit le peuple qui soit souverain.