Il y a les anecdotes agréable que je vous raconte de temps en temps sur les personnes qui trouvent un emploi en Suisse, et celles qui sont un peu moins drôle, mais tout aussi intéressantes. C’est par exemple le cas des licenciements. Il y a peu, un informaticien dans une banque privée en Suisse romande m’a raconté son licenciement, qui s’est avéré être un licenciement abusif.
Les circonstances et la manière dont son licenciement a été mené me semblent être un excellent exemple qui devrait intéresser pas mal d’entre-vous, et notamment les étrangers qui ne savent pas toujours comment peut se passer un licenciement en Suisse, pays où le droit du travail est perçu comme relativement souple en comparaison de pays comme la France ou l’Espagne.
L’affaire Falciani a rendu les banques privées (encore plus) paranoïaques
Cet informaticien est un spécialiste des systèmes d’information. Depuis l’affaire Hervé Falciani (ce franco-italien dont on parle beaucoup en ce moment avec l’affaire SwissLeaks et qui a transmis des fichiers de clients de la banque HSBC au fisc français en 2009), les banques suisses sont particulièrement sensibles à la transmission – au vol – d’informations clients.
Cet informaticien avait sur son poste de travail des fichiers personnels, protégés par un mot de passe, dans un répertoire nommé « personnel ». La plupart des banques possèdent des outils de contrôles qui permettent de savoir ce que fait un employé, quels sites web il visite, quelles applications il lance… et stocke tout ceci dans des fichiers de « logs ». C’est en consultant ces « logs » que la banque a découvert l’existence de ce fichier protégé par mot de passe.
Un climat de suspicion s’est alors instauré. La sécurité informatique a alors demandé à cet informaticien de révéler le contenu de ce fichier, qui ne contenait au final rien de répréhensible, juste des informations effectivement personnelles et sans aucun rapport avec la banque.
L’informaticien a alors invoqué la rupture de confiance dans la relation (qui est une notion MAJEURE en Suisse). L’entreprise a alors proposé d’interrompre le contrat de travail, en lui versant les 2 mois de préavis qu’il devait faire mais en le renvoyant tout de suite (ce n’est pas si courant, en Suisse, dès lors que la rupture du contrat se fait dans de bonnes conditions, vous faites pratiquement tout le temps votre préavis, sauf exceptions bien sûr).
L’informaticien a refusé, a pris ses vacances et proposé d’en parler à son retour. 2 semaines plus tard, l’employeur lui proposait 6 mois de salaire, en « compensation » du préjudice subi, pour licenciement abusif.
Dans l’accord qui a été trouvé, l’entreprise parle de manière très positive de cet informaticien aux employeurs potentiels qui appellent, et il a d’ailleurs rapidement retrouvé un emploi.
Les enseignements qu’on peut en tirer
Tout ceci s’est plutôt bien fini. Voici les quelques enseignements qu’on peut en tirer :
- Concernant l’organisation au travail : si le règlement de l’entreprise tolère les documents et informations personnelles, ceux-ci doivent être dans un répertoire comportant la mention « personnelle ». Dans ce cas, l’employeur n’a pas le droit d’y mettre son nez, car cela relève de la sphère privée. Evitez bien sûr les abus, mais il est vous est tout à fait possible d’avoir un tel espace, mais il doit être clairement reconnaissable.
- Concernant la situation conflictuelle : N’acceptez pas trop rapidement la transaction qu’on vous proposera, surtout si vous êtes en situation ou vous n’avez objectivement rien à vous reprocher et où l’employeur a pour sa part franchi la limite (ce qui est le cas ici car on est dans le cas d’un licenciement abusif, mais c’est probablement la situation la plus difficile à juger de manière objective pour un employé). Il est dans tous les cas préférable de discuter, négocier, en laissant notamment retomber les éventuelles tensions qui pourraient exister (le fait d’avoir pris quelques jours de congé est ici très malin de la part cet informaticien).
- Pour les candidats étranges : retenez bien que le droit du travail suisse est peu protecteur, et plutôt équilibré entre employés et employeurs. Il est donc important d’avoir ce paramètre en tête avant de faire quoi que ce soit. Tout ceci invite au dialogue, à la discussion et à la négociation.
- Enfin, faites très attention car le marché suisse (et romand) est finalement assez petit et tout le monde se connait. Alors il vaut mieux se séparer avec classe de son employeur, et conserver de bonnes relations, quittes à faire quelques compromis (sauf si, bien sûr, votre employeur abuse de manière évidente).
Xavier says
Finalement
Cette histoire est plutôt très positive sur la manière dont les choses se sont passées et témoigne d’une vraie maturité entre les parties. Peut être le fruit d’un code du travail plus souple qu’en France où l’employeur va être tenté de contourner et d’attaquer.
Licencier peut être un vrai drame en France avec des conséquences matérielles et une vraie difficulté à retrouver une situation.
Alors qu’en suisse les choses ont l’air de se passer de manière plus fluide et la case transition n’est pas forcément une impasse.
Alors qu’attend t on en France pour évoluer dans nos mentalités.
Xavier.
David Talerman says
Bonjour Xavier,
C’est très juste ! Dans la mesure où le droit est plus équilibré, la recherche d’un compromis est souvent nécessaire pour que personne ne soit perdant. J’ai, il y a quelques années, rédigé un billet sur les 10 bonnes idées suisses à appliquer en France, et cela va dans le sens de votre commentaire.
A bientôt !
Joseph says
Moi aussi, j’ai été viré de manière abusive, sans aucun motif. La compagnie d’assurance qui m’employait m’avait donné pour mission: 3 ans pour mettre en place une nouvelle agence: Après 20 mois de travail l’agence est correctement installée et rentable, content de mon résultat j’apprend que je doit quitter l’agence immédiatement pour faire place à l’un de leur copain qui aurait été incapable d’une pareil efficacité. J’ai été au prudhomme pour m’apercevoir que quand on est français et frontalier on a peu de chance d’avoir raison.
Mettler says
Bonjour !
En lisant votre page je vois d’un part qu’en Suisse un employeur a le droit de licencier quand il veut, d’autre part vous parlez aussi de licenciement abusif, donc je suis un peu perdue.
Je travaille depuis 9 ans dans une école privée genevoise mais toujours payée à l’heure durant 10 mois de septembre à juin. La directrice a toujours été contente de mes résultats et les parents d’élèves aussi. J’ai eu chaque année plus d’enfants inscrits à mes activités facultatives qui génèrent un juteux revenu supplémentaire à l’école.
J’ai tellement eu de succès que j’attirais trop d’élèves alors la directrice a proposé à un jeune français de prendre mon surplus d’élèves mais l’école ne dispose pas de salle supplémentaire. Maintenant ce jeune veut ma salle de travail, que je ne peux lui donner… Alors il a fait une campagne auprès du personnel de l’école en se présentant comme victime.
Comme c’est un jeune homme plutôt « mignon », il a du succès parmi le personnel qui compte une majorité des femmes… La directrice doit se débarrasser de ce problème qu’elle a crée et je risque de me faire licencier pour la rentrée de septembre. J’ai 48 ans et ce sera quasi impossible de trouver une autre place car il y a peu d’écoles privées et la majorité demande de parler l’anglais. En plus j’ai déménagé en France voisine, et même si je suis de nationalité suisse, je suppose que je n’aurai pas droit aux indemnités du chômage suisse.
En outre je me suis toujours sentie discriminée car je n’ai jamais eu accès aux formations continues. Certains enseignants ont les vacances d’été payées mais pas ceux qui faisons les activités optionnelles.
Voici mes 4 questions:
La directrice a le droit de me licencier alors que j’ai donné satisfaction tant d’années et qu’elle n’a aucune reproche professionnelle à me faire ? Ai-je droit à une indemnité ? Dois-je plutôt démissionner pour ne pas avoir un licenciement dans mon CV ? Existe-t-il un office ou je puisse avoir un soutien légal et une vérification de la légalité de mon contrat de travail ?
J’espère que vous trouverez quelques minutes pour me répondre. Merci d’avance.
Meilleures salutations.
E. Mettler
patrick says
L’histoire exposée n’est pas claire : un employeur n’avertit jamais un employé suspecté de détourner des données qu’il va être viré…. L’employeur veut vous virer vous informaticien qui avez potentiellement accès à des données sensibles ? Vous arrivez le matin; vous êtes accueilli par la RH, tous vos accès ayant été coupés depuis longtemps déjà… Idem quand vous démissionnez : du moment que votre place est sensible, vous n’effectuerez pas votre préavis au bureau mais chez vous.
==> Ce que je comprends surtout, c’est que c’est le gars qui voulait partir et qui a profité de ce truc (volontairement ?) pour négocier son départ… Pourquoi ? Voir la suite.
En Suisse, l’employeur a tous les droits ou presque. Il peut même vous licencier pendant vos vacances (un recommandé que vous réceptionnez et hop le tour est joué). Il peut vous virer sans exprimer de motif et bien entendu sans aucune concertation préalable. Et c’est à l’employé de prouver les rares cas de licenciements abusifs acceptés par la loi, donc très difficile si vous n’avez pas vu venir ou alors sans grossière erreur de l’employeur (qui vous donne comme motif sur votre demande par exemple « parce que vous êtes noir ou homo…. »).
Et une grande hypocrisie règne quand aux démissions : beaucoup sont des licenciements négociés pour embaucher moins cher (un bon certificat de travail, de bonnes paroles aux futurs employeurs qui appelleraient en échange d’un au-revoir pour rester poli), ou pire les conséquences de mobbying. La meilleure chose à faire pour vous griller sur le marché du travail, c’est de faire appel aux prudhommes. Et ce n’est pas pour rien que, contrairement à la France, vous avez droit au chômage même après une démission (à condition d’avoir travaillé assez longtemps et de résider en Suisse). Et, sur ce point, vous les frontaliers vous êtes pris au piège car démissionner sans avoir trouvé autre chose est équivalent à absence de revenus du jour au lendemain (sauf qq exceptions http://www.unedic.org/article/ndeg-14-cas-de-demission-consideres-comme-legitimes). Et des employeurs jouent à fond la-dessus pour faire passer des trucs en ce moment indignes d’un pays les plus riches de la planètes vu la masse de candidats qui se pressent au portillon. L’arrivée massive de frontaliers ces dernières années est une véritable aubaine pour les partisans d’une économie ultra-libérale où les travailleurs ne sont que des m… privés petit à petit de leurs droits et pressés toujours plus forts.
Conclusion : peu importe la qualité de votre travail, si un employeur veut vous virer, il le fera et pourra dormir tranquille car le terme licenciement abusif est très restreint par la loi suisse. Et vu l’offre pléthorique de candidats étrangers, pourquoi s’en priverait-il ?
Mathieu says
Je suis d’accord avec Joseph.
Beaucoup d’employeur profitent des frontaliers (compétences et expériences) et il s’en débarrassent quand ils en ont plus besoin. Sachant qu’en plus ils les payent généralement moins chers qu’un salarié suisse. J’ai de nombreux cas de licenciements abusif dans mon entourage notamment une amie proche qui travaille dans une crèche privé à Champel qui apparemment a l’habitude de ce genre de pratique.
Un licenciement pour faute (inexistante), un certificat de travail médiocre (donc un avenir professionnelle gâché), aucune compensation et aucun compromis voulu par l’employeur, la voila la réalité !!
En France on est peut être moins bien payés mais on est un minimum protégé.
David Talerman says
Merci pour ce commentaire. J’aime bien dire qu’on ne peut pas tout avoir, et qu’il faut en harmonie dans le pays où on travaille !
moi says
En suisse vous etes en droit de demander un certificat de travail complet.Je ne sais pas ou vous allez chercher ces renseignements.
bron says
Bonjour,
Je viens de me faire licencier pour raison économique après 2 mois d’embauche. J’ai eu ordre de mon directeur de former un stagiaire pendant 1 mois; le lendemain de mon licenciement il était à mon poste pour me remplacer. Pensez-vous que ce soit un licenciement abusif ?
Merci de vos commentaires
David Talerman says
Bonjour,
Ce qui vous arrive n’est pas très « classe »… Passons.
Si vous étiez en période d’essai, l’employeur peut se séparer de vous à tout moment, et je suis pratiquement sûr qu’il n’y a pas grand chose à faire malheureusement… La vrai question est l’enjeu : même si vous réussissez à prouver qu’il y a eu un abus, vous ne pouvez pas espérer grand chose compte tenu de votre ancienneté.
Flavie says
Bonjour,
Vos informations sont toujours très utiles, d’abord merci car je lis vos conseils depuis un moment….
Et c’est à mon tour de vous poser questions!!
A quels organismes puis je m’adresser en cas de litige avec mon employeur? Pour faire court, retour de mon arrêt accident, il n’a plus de travail pour moi, ils doit prendre conseil pour me « laisser » partir. J’en viens à signer une rupture conventionnel…. J’apprends ensuite que je n’ai pas de droit au chomage, il ne m’a pas donné non plus de délai de congé. Il me dit que c’est ma faute, c’était pour m’arranger car c’est moi qui voulait partir…. bref mauvaise foi absolue…. quels recours? De plus, j’ai « travailler » depuis chez moi à sa demande durant mon arrêt accident… Que risque t il? et moi même? Merci d’avance pour vos conseils!! Flavie
David Talerman says
Bonjour Flavie,
Le monde du travail en Suisse étant petit, il n’est pas à votre avantage de faire trop de bruit. Mon conseil est le suivant : demandez un entretien avec votre employeur, exposez votre situation, et trouvez au maximum une entente. En Suisse, une procédure risque de vous compliquer la vie pour trouver un prochain emploi. Mais au passage, il ne faut pas accepter n’importe quoi non plus.
Suspat says
Bonjour’
Je vais me faire licencier cette semaine je pense qu’elle sont les motifs de licenciement que la lettre doit avoir pour toucher le chômage je veut bien jouer le jeu mais je voudrais pas me faire avoir, je ne m’entend pas avec une personne de la direction donc loin et victime de harcèlement thecnique il cherche tous le temps a me coincer enfin
Merci de votre reponse
David Talerman says
Pour simplifier : revenez poster un commentaire quand vous aurez le motif !
paul says
Bonjour Mr Talerman,
suite a la lecture de votre blog, je me permet de poser une question naive, frontalier actuellement sous contrat dans une administration suisse, je souhaiterais changer d’activite professionelle.
Cette envie se ressent dans ma baisse de motivation et de productivite. Je vais sous peu en discuter avec ma hierarchie, pensez vous qu’il soit possible de demander un licenciement afin de toucher des allocations chomages, et qui vraisemblablement serai la meilleure solution pour chacune des parties
merci
David Talerman says
Bonjour,
Je pense que c’est une proposition qui risque de choquer vos employeurs (et qui sera probablement refusée). Le mieux serait, selon moi, de trouver un nouveau job et de démissionner.
Pourquoi cela est-il choquant ? Vu de Suisse, le fait d’être au chômage implique que vous serez, en quelque sorte, à la charge de la société. Or, l’assurance chômage est, comme son nom l’indique, une assurance pour des situations qu’on n’a pas souhaité. Dans ce cas, c’est votre choix. Et c’est donc ce qui va probablement choquer vos employeurs.