Dans la 15ème étude sur le salaire des managers, le syndicat Travail.Suisse dénonce, dans certaines grandes entreprises et multinationales implantées en Suisse, l’augmentation au fil des années de l’écart moyen entre le salaire le plus élevé et le salaire le plus bas, et la quasi absence des femmes aux postes exécutifs et de manager. Faisons donc une petite virée dans ce lieux secret des grandes rémunérations….
Un CEO 257 fois mieux payé que le salaire le plus bas
L’étude, qui a été menée auprès de 26 grandes entreprises en Suisse, révèle notamment les salaires de 37 dirigeants les mieux rémunérés. Ces dirigeants appartiennent en tout à 8 entreprises (Roche, UBS, Crédit Suisse, ABB, Nestlé, Novartis, Zürich assurances, Swatch group), avec une très forte présence des dirigeants du secteur de la banque puisqu’ils sont 27 sur 37 dans ce classement.
En moyenne, l’écart salarial moyen entre la personne la mieux payée et la moins payée a augmenté en 7 ans : entre 2011 et 2018, l’écart moyen est passé de 1/45 (le plus gros salaire est 45 fois important que le plus petit), à 1/51.
Pour l’anecdote, c’est le CEO du laboratoire pharmaceutique Roche, Severin Schwan, qui est le manager à la fois le mieux payé (15,55 millions de francs suisses), et celui ayant l’écart de salaire le plus important avec le salaire le plus bas de l’entreprise (il est 257 fois mieux payé que le salaire le plus bas de l’entreprise, soit environ 60 000 francs suisses).
La question que tout le monde se pose : pourquoi de telles augmentations ?
Il y a beaucoup d »émotions autour de ces salaires des managers en Suisse, les Syndicats se demandant pourquoi une telle augmentation a été observée au fil des années.
La réponse est simple : quand on sait que c’est le Conseil d’administration qui propose le salaire du CEO, et qu’à peu près chaque CEO a un « émissaire » qui siège dans un ou plusieurs Conseils d’administration d’autres entreprises (et vice versa), c’est clairement le meilleur moyen d’être sûr que tout le monde ira dans le sens de tout le monde : si vous refusez l’augmentation de salaire du petit copain, vous savez que ce même petit copain, via son émissaire, vous attendra au tournant lors de votre propre Conseil d’administration. C’est un phénomène qui explique simplement pourquoi l’écart salarial augmente, un peu à l’image de ce qui se passe en France avec les entreprises du CAC 40. J’ai entendu quelqu’un dans la salle parler de copinage (…).
Et l’initiative Minder dans tout ça ?
La Suisse a été un des premiers pays à se doter d’une loi limitant la rémunération des dirigeants, l’initiative Minder contre les rémunérations abusives. L’étude de Travail.Suisse montre à quel point elle est parfaitement inutile. Bien que très restrictive et pénalisante, l’initiative Minder est très largement contournée, voire ignorée, et tout le monde, les politiques suisses en tête, s’en contrefiche.
Seulement 19 femmes sur 208 postes de dirigeants
Comme il est d’usage de parler d’égalité homme-femme dans ses posts (je n’ai pas atteint mon quotas ce mois-ci, alors je le place ici), je ne manquerai pas de relever la parfaite inégalité homme-femme à ces postes de dirigeants : sur les 208 postes de dirigeants et managers analysés, seuls 19 étaient occupés par des femmes (soit moins de 9%). Et dans la liste des 37 managers, les mieux payés, on compte quand même 3 femmes. Je n’aimerais pas être leur mari : une femme mieux payée que son mari, ça vous castre un homme pour une décennie.
A l’évidence, le pouvoir exécutifs et l’argent sont des sujets visiblement bien trop importants dans les entreprises suisses pour les confier à des femmes.
Petit lot de consolation toutefois pour ces dames : dans les conseils d’administration de ces entreprises suisses de grande taille, on note une augmentation significative de la présence des femmes, qui représentent en moyenne 25% des effectifs (en moyenne dans les pays de l’Union européenne, ce pourcentage est à 29%). Il est toutefois peu probable que ce chiffre augmente au fil des années