Il m’arrive assez fréquemment de faire des comparaisons entre la Suisse et la France. Ici, une statistique récente sur les salaires des non-cadres en France me fait réagir, tant les différences sont importantes.
5 536 francs suisses contre 1 541 euros
Une étude récente menée par l’agence d’Intérim Randstad montre que les salariés non-cadres en France gagnent en moyenne 1 541 euros bruts mensuels, soit à peine plus de 6,5% de plus que le salaire minimum en France, le SMIC.
De l’autre côté de la frontière, la Suisse propose pour sa part à ses salariés non-cadres un salaire moyen de 5 536 francs suisses bruts mensuels (soit environ 4 613 euros). Certes, les puristes me diront que ce n’est pas comparable compte tenu du coût de la vie et qu’il faudrait raisonner en parité de pouvoir d’achat. Oui, oui, j’entends. Mais entendez quand même aussi que la différence est tellement importante (le salaire moyen des non cadres en Suisse est presque 3 fois plus élevé qu’en France) que de toute façon, cela ne peut pas être pire en Suisse.
Les non-cadres en Suisse très loin du seuil de pauvreté
En Suisse, le salaire moyen des non-cadres n’est, dans l’absolu, pas idéal tant les prix sont élevés. Pour une personne seule, ce salaire est bien au dessus du seuil de pauvreté (2 200 CHF / mois), et légèrement au-dessus du seuil de pauvreté pour un couple avec 2 enfants (4 050 CHF / mois). Si on prend la même définition du seuil de pauvreté en France, ce dernier est à 993 euros par mois pour une personne seule et 2052 euros par mois pour un couple avec 2 enfants. Ainsi, dans le cas de la Suisse, la différence entre le salaire moyen des non-cadres et le seuil de pauvreté est de 3 336 francs suisses par mois. Il est, en France, pour un célibataire, de 548 euros : les non-cadres, en France, sont à 2 doigts du seuil de pauvreté, et ces non-cadres, ce sont pas moins de 18 millions de personnes, représentant plus de 80% des salariés en France.
Pourquoi les salaires sont si bas en France ?
Je ne suis pas économiste, mais quelques pistes sont évoquées :
- Le niveau des charges : en France, les charges patronales sont presque 20% plus élevées qu’en Suisse (et les charges salariales environ 7%). Quand on fait la comparaison entre une feuille de salaire suisse et française, on comprend rapidement qu’il est difficile pour une entreprise d’être compétitive : de nombreux arbitrage se font donc sur le dos de la masse salariale.
- Un droit du travail totalement déséquilibré en faveur des salariés en France : quand un salarié qui a travaillé 6 mois en entreprise peut toucher jusqu’à 1 an 1/2 d’indemnités de licenciement, ça refroidit les entreprises françaises qui n’ont absolument aucun intérêt à augmenter des salariés qu’il faudra ensuite payer aux Prud’hommes.
- Des lois qui confinent à la stupidité : quand vous taxez davantage les hauts que les bas salaires, et que vous devez resté compétitif, cela coûte moins cher d’avoir 2 salariés avec des petits salaires plutôt qu’un avec un gros. Ces mêmes loi positionnent un plafond de verre sur les augmentations : les entreprises savent que si elles doivent augmenter un salarié qui en dessous de ce seuil, elles le feront jusqu’à une certaine limite pour ne pas avoir à payer trop de charges et être victime d’un effet de seuil.
- Des fonctionnaires d’état pas assez payés, mais qui, stimulés par des syndicats irréalistes, ne sont pour autant par prêts à abandonner leur statut de fonctionnaire à vie. En Suisse, par exemple, les personnes qui travaillent pour le secteur publique n’ont pas le statut de fonctionnaire et pas de protection de l’emploi. Elles sont en revanche, en moyenne, mieux payées que dans le privé.
En conclusion
La Suisse préserve bien mieux ses non-cadres de la crise, notamment grâce à des entreprises qui, globalement, jouent le jeu, et grâce à une économie qui reste relativement performante. Si les perspectives économiques de la Suisse s’assombrissent aussi avec celles de ses voisins (soyons clairs : si l’Allemagne, la France et l’Italie ne vont pas bien, la Suisse ne pourra pas aller bien non plus), le pays reste bien mieux orienté que tous les pays limitrophes.
Les niveaux de salaires en France sont tellement bas, et touchent tellement de personnes, qu’on ne peut que s’interroger sur la manière dont les personnes concernées vivent, ainsi que la répartition de leurs revenus (en clair, quelle est la part des subventions et aides d’état diverses dans leurs revenus ?). Sachant par ailleurs qu’une bonne partie de l’économie française repose sur la consommation des ménages, il n’est plus nécessaire de se poser de questions quant à l’avenir du pays : si rien ne change, de manière assez fondamentale et rapide d’ailleurs, le pays court à la catastrophe. Encore une fois (c’est une thèse que je défends souvent), la France ferait bien de s’inspirer du modèle suisse.
Sources : baromètre Randstad – Office fédéral de la Statistique (xls) – Observatoire des inégalités
Julien says
« Certes, les puristes me diront que ce n’est pas comparable compte tenu du coût de la vie et qu’il faudrait raisonner en parité de pouvoir d’achat. Oui, oui, j’entends. »
Je ne suis pas d’accord avec vous. Ayant vécu 20ans en France et maintenant 13 ans en Suisse je peux vous dire que la différence de prix n’est pas si grande que ça. Un logement a Lausanne est par exemple bien moins chère qu’a Paris et 5-10% plus chère qu’a Lyon. Hifi,video, électroménager …moins chère en Suisse qu’en France grâce a la TVA. Nourriture 10-15% plus chère en Suisse. Les services 15% plus chère en Suisse. Les transport plus ou moins la même chose.Abonnement TPG ou TPL revient a CHF50 par mois soit 40 euros. Même chose a Lyon, bordeaux…et plus chère a Paris. Bref l’un dans l’autre une ville comme Lausanne par exemple est un peu moins chère que Paris et 10-15% plus chère qu’une ville comme Lyon. Par contre les Salaires sont 2.5-3 fois plus élevé en Suisse. D’ailleurs la Suisse a été classé comme étant le pays avec le plus fort pouvoir d’achat au monde, très loin devant la France. J’ai eu le passeport Suisse il n y a pas longtemps et jamais je ne reviendrai en France. Pays qui va droit au mur.
Et un article qui peut vous intéresser M. Talerman
http://www.promfr.ch/wp-content/uploads/131128_capital-suisse-recettes.pdf
Merci pour votre Blog.
David Talerman says
Merci Julien pour cette précision très intéressante. Ce que j’ai remarqué depuis le temps que j’étudie le sujet, c’est que le différentiel de coût de la vie entre la Suisse et la France baisse de plus en plus…
jean-marc perrier says
Et bien, et bien, c’est exact, il vaut mieux travailler en Suisse qu’en France c’est évident. Mais les deux pays ont aussi des différences notables, géographie, démographie et choix tant politiques qu’économiques, ce qu’il ne faut pas oublier. La Suisse demeure un refuge financier mondial du fait d’un choix opéré depuis longtemps, et qui arrange beaucoup de monde. Cette stabilité permet aussi une société en paix (militaire avec ses voisins), et rassure, et donc induit une économie relativement stable, avec comme bénéfice des emplois qui peuvent être mieux rémunérés. Mais cela dépend surtout d’un choix fait par les employeurs et les actionnaires, car si on paie mal les ouvriers et les travailleurs, et bien soit ils partent, soit ils réclament. Ca finit toujours par arriver, le choix d’un salaire correct c’est celui de toute entreprise qui veut durer, et aussi de toute société qui souhaite rester stable. Pour de trop nombreux pays, le modèle montré par la Suisse ne leur apparait que comme celui d’un pays déjà riche, alors que c’est un modèle social qui a certes des limites, mais profite quand même à une partie plus grande de la population que chez eux.
Norie says
Je ne pense pas que les français avec 1500euros bruts touchent des aides. (je vis en France mais je ne suis pas à ce salaire heureusement). Ce serait intéressant de comparer avec l’Allemagne et l’Italie. Car la suisse est un pays petit en nombre d habitants. C’est forcément plus simple à gérer je pense.
John says
« La Suisse est un pays petit plus simple à gérer. »
Cet argument venant de France m’a toujours dérangé.!
La France a choisi un mammouth centralisé alors que la Suisse, 8-10 fois moins peuplée, s’est encore fédéralisé en 25-26 états (ok, c’est l’inverse, 25-26 états qui ont fusionné).
Mais c’est une bonne leçon pour la France : plutôt que d’agrandir ces régions, ils feraient mieux de garder les départements, à la limite les fusionner comme la savoie + hte-savoie et leur donner une indépendance, ça dynamiserait le pays.
Ensuite, en France, on veut bien comparer avec le Danemark, la Tchéquie, la Belgique, etc.. et pourtant ces pays sont plus petits que la Suisse….
Alors, amis français (moi je suis savoyard) : reprenez des idées qui marchent en Suisse plutôt que d’en inventées (qui n’ont jamais marchées comme les 35h). Reprenez les votations, référendums, le fédéralisme et la liberté de ne pas déranger les autres !
Jean says
Ma petite théorie est que les syndicats français sont trop faibles. Depuis la guerre les salaires français n’ont pas augmentée comme il fallait. Certes en France les syndicats font des gréves, beaucoup de tamtam, de fumée, mais ca ne montre que leurs faiblesse, car en fait le dialogue sociale est mauvais. Le plus flagrant sont les instituteurs de part et d’autre de la frontière: ~1500Euros contre 7000 Euros en début de carrière. Rappelons que le PIB/habitant de la Suisse est seulement 2 fois plus élevé que celui de la France. Donc dans cette exemple les syndicats d’enseignant français sortent comme des nuls, qui auraient au moins du converger sur un salaire de 3000-3500 Euros en début de carrière.
David Talerman says
Pas faux.