Les travailleurs frontaliers en Suisse sont payés en francs suisses, et la grande majorité de leurs dépenses se fait en euro : ils sont donc exposés au risque de change, qui leur est parfois très défavorable, parfois très favorable. Et actuellement, c’est plutôt une bonne opération pour les frontaliers. Par exemple, il y a un an, un frontalier du canton de Genève, avec un salaire net de 4 000 francs suisses (impôt à la source déduit) percevait en réalité 2 842 euros (taux de change : environ 1,40) sur son compte bancaire français. Aujourd’hui, alors que le franc suisse est fort, ce même frontalier, avec le même salaire en francs suisses, percevra 3 275 euros (taux de change : environ 1,22).
A salaire constant, un pouvoir d’achat qui augmente de 15% d’une année à l’autre
En d’autres termes, les frontaliers dont le salaire a stagné ont vu en un an leur pouvoir d’achat augmenter de 15 %. On pourrait donc se demander si les frontaliers peuvent légitimement obtenir de leur employeur suisse une augmentation de salaire. La réponse n’est pas si simple.
J’aurais tout d’abord une tendance naturelle à dire que le travail d’un salarié (et sa contrepartie, le salaire) ne doit en aucun cas être relié à un phénomène qu’il ne maîtrise pas, en l’occurrence le taux de change. Si un salarié est bon et mérite d’être récompensé, qu’il soit frontalier, résident étranger ou suisse ne devrait pas avoir d’influence sur la décision de l’augmenter ou non.
Invoquer l’esprit collectif
La situation n’est en revanche pas aussi tranchée si l’entreprise dispose d’un budget « significativement restreint » pour les augmentations (ce qui est probablement le cas de beaucoup d’entreprises, même si les perspectives économiques en Suisse sont bonnes pour 2011). On pourrait alors évoquer la solidarité, et l’esprit collectif, et se dire qu’un frontalier méritant pourrait, pour cette année, « passer son tour » pour l’augmentation de salaire au profit d’un autre salarié résidant en Suisse, à condition qu’il soit bien sûr également méritant (et partant de l’hypothèse qu’il l’est tout de même moins). En espérant que les managers à l’origine de cette décision se rappellent l’année suivante qu’un employé méritant a été « écarté » au profit d’un autre. Je ne suis pas certain qu’il y ait une telle mémoire. Et par ailleurs, si cela venait à se savoir parmi les salariés, cela pourrait être perçu comme une grosse injustice.
Des entreprises suisses qui indexent les évolutions de salaires au cours de l’euro
La cherté du France suisse pose bien d’autres problèmes aux entreprises suisses, qui trouvent parfois des parades bien surprenantes, comme par exemple cette entreprise du canton de Berne, Mopac, qui a décidé d’indexer les salaires de ses employés (indépendamment de leur situation) sur le cours de l’euro. Fort heureusement, le syndicat suisse Unia a saisi la justice pour dénoncer cette situation.
Dans la pratique,il vaut mieux rester serein, car je suis prêt à parier que dans la plupart des cas, tout se fera en bonne intelligence : si parfois les décisions d’augmentations de salaire ne sont pas forcément rationnelles, elles reposent la plupart du temps sur des éléments concrets et objectifs.
Et vous, avez-vous vécu une telle situation ?
Swiss_Think says
Je n’ai pas de frontaliers dans mon entreprise (et j’en suis fort content) mais je suis amené à travailler avec eux très souvent.
Ce qui choque, c’est que certains n’ont aucuns scrupules à se vanter de cette augmentation de près de 15 à 20% auprès de leurs collègues suisse. C’est clairement profiter d’un système qui n’était pas préparé à de tels modifications de taux de change.
Il faudra bien trouver une parade contre cette inégalité flagrante! C’est non seulement injuste auprès des employés suisses qui eux ont du batailler becs et ongles pour avoir leur 2% d’augmentation (et ce pour les chanceux) mais aussi contre leurs compatriotes qui n’ont pas la chance de travailler en Suisse et qui eux voient leurs salaires stagnés voir même diminuer.
Le frontalier a-t’il le droit de s’en mettre plein les poches au détriment des autres et ce dans une totale impunité? A mon sens non.
Indexé le salaire sur le cours de l’euro ne me semble pas une bonne idée et je me creuse encore la tête pour savoir si oui ou non il y a une solution, hormis celle impensable que l’UE puisse redonner espoir en sa monnaie sans grandes réformes fiscales, choses qui n’est pas prête d’arriver.
David Talerman says
@Swiss_Think : le fait de se vanter de ces augmentations ne me paraît pas très malin, mais bon c’est la nature humaine. Je ne suis pas certain qu’on puisse parler d’inégalité, puisque sur la durée, c’est plutôt réparti : il y a 3 ou 4 ans, lorsque le franc suisse était faible par rapport à l’euro, c’était le contraire ! Et le sujet est revient régulièrement, au gré des modifications du taux de change.
En tous les cas, parler de s’en mettre plein les poches au détriment des autres, c’est un peu fort, puisque dans ce cas, cela ne lèse personne.
Swiss_Think says
@ David Talerman :
Disons que l’expression « s’en mettre plein les poches » est surtout dû au fait que sans aucune raisons valables il voit son salaire prendre l’ascenseur. Que l’on ait une augmentation suite à la réussite d’un diplôme ou encore parce que l’on a grimpé l’échelle hiérarchique est une chose normale. Que l’on voit son salaire augmenter de 15% sans rien faire n’est en soit pas correct envers celles et ceux qui n’ont pas cette chance et qui pourtant font exactement le même travail.
Après oui le rapport peut-être différent et que le frontalier soit lesé. Mais la encore il faudrait que le franc suisse s’éffondre totalement pour que cela amène salaires français et salaires suisses sur un pied d’égalité. Mais très sincèrement cette hypothèse me parait actuellement peu plausible en comparaison à l’hypothèse qui parle d’une parité CHF/EUR qui mènerait à des différences entre salaires beaucoup trop grande pour garder un climat sain dans une entreprise employant des suisses et des français.
Si nous voulons qu’employés suisses et employés français puissent travailler ensemble il faudra bien trouver une solution à ce problème.
Olivier01 says
Bonjour,
Pour situer les choses, je n’ai pas pour habitude de poster sur les blogs ni de polémiquer dans les forums de journaux locaux (entre autres).
Par contre, j’ai beaucoup apprécié votre livre David, et j’apprécie aussi énormément la qualité et l’impartialité de vos commentaires. Du coup votre blog est le seul que je consulte régulièrement. Et donc je lis aussi les commentaires instructifs, dont celui de Mr Swiss think qui semble avoir des idées très claires sur la justice sociale.
Alors pour répondre à ces propos qui – je dois le dire – me choquent et en tentant soigneusement d’éviter toute polémique stérile j’aurrais quelques questions à poser à ce bon monsieur:
– Etes-vous du genre à considérer comme injuste le fait de gagner de l’argent par chance ?
– Otez-moi d’un doute : êtes-vous du genre à priver de toute augmentation un bon travailleur qui aurait hérité récemment de sa grand tante perdue de vue depuis 30 ans ? Je suis désolé mais on parle de la même chose.
– Avez-vous envisagé une seule seconde que le frontalier (comme vous dites) a aussi un prêt en devises à rembourser et que si ladite devise s’envole de 20%, c’est 20% qu’il doit de plus à sa banque s’il vend sa maison ? Et que justement si cela continue dans ce sens et qu’une crise se déclare (dont un crash immobilier qui frapperait en premier le côté français de notre belle et commune région), c’est lui qui sera le premier sur le carreau de l’emploi et devra vendre sa maison en catastrophe, moins cher et et en Euros dévalués ?
– Dans le sens inverse (Cf 2006-2007), je suppose que vous aviez-le même sens de la justice et pensiez qu’il fallait compenser les pertes de pouvoir d »achat des pauvres travailleurs lésés par un taux de change défavorable ?
Et enfin :
– C’est mal de se vanter, et voilà le genre de réaction que cela suscite (je crois que cela porte un nom, ne serait-ce pas jalousie ?). Mais enfin la bêtise est partagée de façon universelle hélas, les frontaliers n’en sont pas exempts (et je m’inclus dedans – sans toutefois avoir le défaut d’être envieux de la chance des autres)
– Une dernière question : là ou vous ne pouvez pas faire grand chose contre une héritier ou un gagnant du loto, à part lui diminuer son salaire parce que vous trouvez cela fort injuste, moi je vous invite à faire comme les frontaliers « qui s’en mettent plein les poches ». Eh bien oui, faites vos courses chez nous et pourquoi pas, venez habiter dans nos vertes campagnes ! Il y a de la place pour tout le monde chez nous et, entre voisins, nous nous devons des échanges de bons procédés, non ?
– Ne me dites pas que votre esprit civique et votre amour de la mère patrie vous interdit de le faire, autrement en plus de jaloux, j’aurai tendance a vous trouver légèrement masochiste.
– Allez une dernière : si vous ne voulez plus avoir sous votre nez un tas de frontaliers-qui-s’en-foutent-plein-les-poches-sur-le-dos-du-bon-travailleur-local-heureusement-que-je-n’ai-que-de-cela-chez-moi, eh bien allez donc habiter à Zug…. mais là vous aurez sans doute d’autres motifs d’exercer vos instincts de justice sociale.
Bon je vous laisse, ça m’a fait du bien, merci.
Olivier
Deimos01 says
Bonjour,
Pour faire suite et appuyer le post précédent que je trouve très juste et pertinent, je rajouterais:
– Vous ne devez pas habiter du côte « Euro » de notre belle région ou alors vous êtes sacrément gonfflé de tenir de tels propos!!
Dans ma localité les « frontaliers suisses » représentent pas loin de 45% de la population. Dans la situation actuelle, le loyer qu’ils payent a « baissé » dans les même proportions que « l’augmentation » de nos salaires et je fais l’impasse sur le reste des achats… Quand on parle de frontalier, cela concerne les deux côtés !! Et je le dis clairement, les suisses auraient bien tord de ne pas profiter aussi de cette situation qu’ils ne maitrisent pas plus que nous! Ou est l’injustice?
Concernant l’article initial, pourquoi augmenter le local au détriment du frontalier par « esprit collectif » surtout si ce local vit du côté Euro ? Ou alors on rentre dans des considérations inextricables… Irréaliste !
N’oubliez pas les choses simples de la vie: « La roue tourne » ou « après la pluie le beau temps » ou » après le creux de la vague il y a toujours le sommet »… Et oui, ca va, ca vient, c’est la vie !
CB
j458 says
> Dans ma localité les « frontaliers suisses » représentent pas loin de 45% de la population.
C’est quoi les frontaliers suisses.
Des Suisses (habitant en Suisse) qui travaillent en France et retourne chez eux en Suisse le soir donc.
Ce serait bien de donner la liste de ces gens qui représentent 45% de votre population.
De toute manière c’est une histoire d’argent ces frontaliers , rien d’autre.
Quand il était à 1.65 l’eur/chf, il y avait beaucoup moins de monde.
Imaginez le cours eur/chf grace à un coup de baguette magique de l’union européenne qui repart à la hausse.
Vous croyez réellement qu’arrivé à 1.70, 1.80 il y aura autant de frontaliers ?
37% de moins de salaire (1.13 à 1.8)
D’un seul coup, les montagnes, la démocratie et le chocolat auront un gout amer 🙂
Ce sont des réfugiés économiques, selon l’appelation de l’Union Européenne.
cricri says
ben oui on pique leur taf on sens met plein les poches jaloux jaloux venez en france on vous l interdit pas
David Talerman says
Commentaire pas très malin à mon sens… Je publie pour la liberté d’expression, mais je n’en vois pas l’intérêt.
Omapsoi says
Bonjour,
à Swiss_Think
Comme dis par Olivier, je suppose que lorsque le taux était défavorable au frontalier, vous avez demandé vous même à baisser votre salaire pour être « juste » vis à vis de ce frontalier n’est ce pas?
à J458
Non des frontaliers Suisse ce sont des Suisses qui travaillent en Suisse mais vivent en france et dépenses en france car moins cher.
Ce qui a entre autre fait augmenter considérablement le cout de l’immobilié, par exemple.
Je crois oui qu’il y aurait autant de frontaliers si le taux changait et revenait à 1.7.
Il faut savoir qu’il y a plus de travail sur geneve qu’en haute savoie. donc il faut bien travailler, peut importe le lieu, la monnaie ect.
Par contre est ce qu’il y aurait autant de frontalier suisse qui viennent faire leur course en france si le taux etait à 1.7? j’en suis moins sur…
Il faut arréter les gue-guerre comme ceci, la roue tourne, et en règle générale, tout s’equilibre.
Et rien ne vous empeche d’allert traviller dans un autre pays ou vous pourrez gagner plus et/ou le cout de la vie vous sera plus profitable.
Laurent says
Bonjour
Très intéressante, cette discussion sur les frontaliers… qu’ils soient de nationalité française ou suisse.
Toujours plus… voilà notre addiction.
Que ce soit le français vivant en France et travaillant en Suisse, profitant allégrement du franc fort, qu’il soit à 1 ou 1,7, car le salaire moyen suisse est de 5000.00; son pouvoir d’achat sera dans tous les cas largement au dessus de la moyenne française.
Quant au Suisse s’expatriant en tant que « réfugié économique » en France pour y vivre à moindres coûts, tout en continuant à travailler avec un salaire supérieur en suisse, pourquoi n’opterait il pas pour le passeport européen?
S’il paye ses impôts à son lieu de domicile, ne profite-t-il pas plus des infrastructures sur son lieu de travail, sans trop contribuer à leur financement? (Les Suisses en sont encore à 42 heures de travail hebdomadaire)
Ou ferait-il partie de ces gens qui veulent le beurre et l’argent du beurre?
Ce comportement montre que l’homme est une espèce douée d’une intelligence supérieure, mais qu’il l’utilise trop souvent à des fins « bassement » matérialistes…
Est-ce que le bonheur à un prix?
Peut-on vraiment le trouver et l’acheter dans les zones commerciales?
Qui se charge de fixer son prix?
Revenons à des considérations moins philosophiques et plus « terre à terre », puisqu’elles touchent plus facilement le genre humain, dont la principle vocation serait néanmoins de lutter contre la pesanteur! 😉
Quelques idées pour rétablir l’équilibre sur la balance de la « justice sociale »:
– Ne devrait-on pas demander aux entreprises suisses, qui embauchent une main d’oeuvre d’origine étrangère (frontalère ou titulaire de permis B ou C) de reverser une contribution financière aux écoles qui ont formé ces travailleurs (est-ce que le mot est encore actuel? Il me semblait sorti tout droit d’un roman d’Emile Zola…) et dont la Suisse profite allègrement (en économisant sur le dos des immigrants…)?
Au même tritre que les impôts rétrocédés par les banques suisses aux gouvernements des épargnants étrangers, qui jugent bon de priver leur fisc d’entrées d’argent, pourtant nécessaires à une redistribution honnête des richesses.
– Pourquoi certains Suisses sont-ils obligés de quitter leur région d’origine, parce que la hausse des prix de l’immobilier les y contraint? Est-ce que les entreprises étrangères qui s’installent en Suisse avec leurs cadres pour des raisons fiscales génèrent-elles toutes des emplois pour les Suisses ou ne font-elles que faire grimper les prix en chassant les « autochtones » au delà des frontières?
– Est-il éthiquement raisonnable pour un citoyen suisse d’aller faire ses emplettes de l’autre côté de la frontière, uniquement en raison du prix, en sachant que le salaire moyen des suisses est trois fois plus élevé que celui de nos voisins et qu’il est donc mathématiquement normal de payer plus chers les biens et les services?
Les grands distributeurs et les importateurs (y compris les cartels verticaux qui s’arrangent entre eux commes des mafiosis) ne devraient-ils pas répercuter les variations du cours des devises aux consommateurs suisses, pour leur épargner le tourisme commercial?
– Que penser d’une Suisse, qui en plus d’abandonner le secret bancaire, de rayer l’évasion fiscale de la liste des bons droits du bon peuple mou adhérerait à l’espace euro, sans pour autant adhérer à l’union européenne (pas complètement fous encore les petits Suisses… laissons-leur encore un peu de temps… y a pas l’feu au lac…)
– Que dire des nouvelles régions socio-économiques qui se constituent indépendamment des frontières (Genève-Haute-Savoie)? Ne sont-elles pas les prémices d’une nouvelle distribution des régions, qui tendraient à effacer ces frontières, en offrant des coûts de la vie de plus en plus identiques…. si les devises n’étaient pas soumises à tant de fluctuations…
La peur ne nous conseille-t-elle pas de chercher des (valeurs) refuges?
Bonne journée à tous!
Laurent
jerome says
Je ne vais pas généraliser mais on vois bien qu’il y a un racisme de plus en plus prononcé à l’égard des frontaliers de la part de beaucoup de Suisses. Comme le dis Olivier01, les Suisses qui ne sont pas contents peuvent tout à fait venir profiter de notre beau côté de la frontière avec plaisir ( et il y en a beaucoup déjà, et c’est encore ceux qui critiquent le plus), ils ne supportent pas les Francais( ils ne savent pas conduire, ils sont agressifs, ils volent etc etc …) mais sachez chers amis suisses que nous sommes voisins et faudra vous y faire un jour ou l’autre. Pas content, c’est la même chose !!
Pau says
Il faut arrêter d’en vouloir aux Frontaliers: qu’ils s’en mettent plain les poches..etc:
La majorité des frontaliers ont acheté leur maison en euros et ont prix un crédit en franc suisse. Donc ils continuent payer leurs crédits en franc suisse: donc même si le franc a pris de la valeur ce n’est pas un avantage pour eux. au contraire s’il doivent revendre leur maison, ils la vendront à perte car quand ils convertiront leur euros pour rembourser le crédit en franc il perdent énormément.
Tout n’es tas rose pour eux alors.